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alaoui.abdelouahed

23 novembre 2007

la pensée politique de Montesquieu

Une carrière parlementaire (1689-1717)

Charles de Secondat est né le 18 janvier 1689 au Château de la Brède à Bordeaux. Il est issu d’une famille d’importants parlementaires bordelais. Lorsqu’il a sept ans, sa mère meurt. En 1700, il rentre au collège de Juilly, chez les Oratoriens, qu’il quitte en 1705. Il suit des études de droit à Bordeaux. En 1708, il reçoit sa licence de droit et il est reçu en tant qu’avocat au parlement de Bordeaux. En 1713, son père meut et 1714, il est reçu en tant que conseiller au parlement. En 1715, il se marie et épouse Jeanne de Lartigue, une protestante. En 1716, naît son premier fils, Jean-Baptiste. La même année, il est reçu à l’Académie des sciences de Bordeaux. Et la mort de son oncle, il hérite de sa fortune, de sa charge de président au parlement de Bordeaux et du titre de Baron de Montesquieu. En 1717, naît sa fille Marie.

Des premiers écrits au " Lettres Persanes " (1717-1727)

Parallèlement à sa charge au parlement, il se passionne pour les sciences. Il rédige alors de nombreux traité de physique, de médecine, mais aussi de politique et de philosophie, ce qui annonce les " Lettres Persanes " qui seront publiées anonymement à Amsterdam en 1721, pour que sa réputation ne soit pas ternie. Mais cet anonymat fut vite percé à jour. Le succès de ce livre lui ouvrit les portes des salons parisiens. Il fréquente notamment la Marquise de Lambert et le Premier Ministre, le Duc de Bourbon. En 1725, il cède sa charge de Président.

Un académicien voyageur (1728-1755)

En 1728, il est élu à l’académie française, malgré de nombreuses oppositions, dont celle du nouveau Premier Ministre, le cardinal Fleury. De 1728 à 1731, faisant preuve d’une grande curiosité, il entama une série de voyages et il se rendit en Hongrie, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Hollande. Il resta deux ans en Angleterre. Tous ses voyages lui permirent d’observer précisément la géographie, l’économie, les mœurs et les coutumes politiques des différents pays européens. Pendant quatorze ans, il va travailler à l’œuvre de sa vie, " L’Esprit des Lois ", qui sera publiée anonymement à Genève en 1748. Ce livre, de philosophie politique, eut un immense retentissement mais fut attaqué par les Jésuites et les Jansénistes qui critiquaient sa vision de la religion. Montesquieu leur répondit en 1750 avec " La Défense de L’Esprit des Lois ". En 1754, il publie une édition révisée des " Lettres Persanes ". Le 10 février 1755, il meurt à Paris d’une fièvre jaune, à l’âge de 66 ans.

A une époque où la réflexion politique est étroitement liée au contractualisme, Montesquieu néglige la question du passage de l’état de nature à la société civile, à la différence de l’Ecole du droit naturel, puis de Hobbes, Locke et Rousseau. Le maigre chapitre consacré à la lex naturalis ne contient qu’une critique rapide de la conception hobbienne, Montesquieu affirmant que, loin de montrer de l’agressivité à l’égard de ses semblables, l’homme naturel avait dû être plutôt faible et timide. Voltaire ne croit ni à la bonté primitive de l'homme ni à la chute originelle. Il considère l'être humain comme "passable", à l'image du monde dans lequel il vit.

Partie 1 : Les lois

A. L’objectif de l’Esprit des Lois

Embrasser toutes les institutions reçues parmi les hommes ; se pencher sur toutes les lois et coutumes diverses de tous les peuples de la terre, pour en rendre raison, pour en déceler l’esprit. Montesquieu ne voulait pas montrer le corps des lois mais leur " âme ", il ne voulait pas faire un traité de jurisprudence : il voulait élaborer " une espèce de méthode " pour étudier la jurisprudence.

B. Qu’est-ce que la loi ?

Les lois sont " les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ". Montesquieu soutient (avec les Stoïciens) qu’il y a une raison primitive et que les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres. Ainsi (et ici Montesquieu contredit Hobbes) avant qu’il y eût des lois faites, il y avait une justice possible. Montesquieu voit dans les lois des rapports nécessaires dérivant de la nature des choses. Il les soumet à une étude scientifique et, par cette analyse, prend place parmi les pères fondateurs de la sociologie et de la philosophie politique. La loi, conçue dans sa signification large, comme un rapport nécessaire dérivant de la nature des choses. La loi devient, chez l'homme, une règle voulue, instituée pour assurer la sécurité et la liberté (" loi positive "). La loi " positive " est donc une spécification de la loi dans sa signification étendue.

 

C. Les causes physiques et les causes morales

Montesquieu pense que les lois doivent être relatives au physique du pays (son climat, son terrain, sa superficie) et à la morale des habitants (leur religion, leurs inclinations, leurs mœurs…). Il est important de noter que la " théorie des climats " n’est qu’une des composantes de l’analyse de Montesquieu.

D. La raison et ses lois

S'appuyant sur la méthode expérimentale, Montesquieu définit les lois comme des "rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses"; elles expliquent rationnellement les rapports constants de la création divine, de la physique, de la vie animale, mais aussi des hommes, même si la nature passionnée, l'ignorance et la liberté humaines conduisent à leur violation et à la révision des lois morales, politiques et civiles. À la différence de Hobbes, Montesquieu croit à une sociabilité naturelle et considère qu'avec les sociétés commence la formation de lois positives, distinctes selon leurs objets: le droit des gens, qui règle les rapports des nations, le droit politique, qui établit les rapports entre gouvernants et gouvernés, et le droit civil, qui organise les rapports entre les citoyens. En énonçant des rapports, les lois inscrivent l'infinité des cas particuliers dans un système rationnel général. Elles sont ainsi relatives au physique d'un pays, à son climat, à ses mœurs, à son économie, à la religion qu'il pratique, aux valeurs, et, surtout, à la nature et au principe de son gouvernement. Cet ensemble de rapports forme l'"esprit des lois", qui doit être en harmonie avec la nature et la liberté humaines.

Partie 2 : La théorie des gouvernements

A. La théorie de la séparation des pouvoirs

Montesquieu distingue trois sortes de gouvernement : le républicain, le monarchique et le despotique.

  • républicain
  • : " celui où le peuple, ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance " (cette catégorie comprend donc aristocratie et démocratie) ;
  • monarchique
  • : " celui où un seul gouverne, mais selon des lois fixes et établies "
  • despotique
  • : celui " sans loi et sans règle " dans où celui qui gouverne " entraîne tout par sa volonté et ses caprices "

Le principe de chaque gouvernement dérive naturellement de cette nature ou structure particulière :

a) le principe de la démocratie ou de l’Etat populaire est la vertu (chez chaque citoyen, un esprit de constant renoncement à soi-même au profit du bien public, par amour de la patrie et de ses lois, un esprit d’égalité excluant tout privilège).

b) le principe du gouvernement aristocratique est la modération (là où les fortunes sont inégales il est rare qu’il y ait un esprit de vertu, c’est pourquoi il faut que les lois tendent à donner un esprit de modération)

c) le principe du gouvernement monarchique c’est l’honneur (chacun pris en particulier, chaque catégorie sociale se préfère aux autres, réclame des privilèges, mais cette mêlée d’ambitions a des conséquences positives : chacun travaille au bien commun en croyant ne travailler que pour soi).

d) le principe du gouvernement despotique c’est la crainte (le despote est tenu d’avoir toujours le bras levé pour frapper ou au moins pour menacer ; il ravale ses sujets au rang de bêtes obéissantes, dressées à filer doux par peur des coups).

Montesquieu explique ensuite que la corruption des gouvernements commence presque toujours par celle de leurs principes : si ceux-ci sont sains, alors les mauvaises lois ont l’effet de bonnes, mais une fois qu’ils sont corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises : " le principe emporte tout ".

Montesquieu reprend la traditionnelle typologie des régimes politiques – république, monarchie, despotisme – afin de définir leur nature, et surtout leur principe d'action, essentiel pour comprendre leurs systèmes de lois respectifs. Au sein du régime républicain, il distingue les formes démocratique et aristocratique selon que la souveraineté appartient à tous ou à quelques-uns. Le pouvoir monarchique est pratiqué en relation avec des lois fondamentales et à travers des corps intermédiaires. Le despotisme, quant à lui, est exercé par un seul pour son seul plaisir. Cette typologie permet d'établir une seconde distinction, nouvelle, entre les gouvernements républicain et monarchique, qui sont susceptibles d'être modérés, tandis que le régime despotique, contre nature, est déréglé. Plus que cette catégorisation, c'est la mise en évidence du "ressort" de chaque gouvernement qui est nouvelle. Le régime républicain a pour principe la vertu, qui rend compatible l'exercice de la souveraineté par le peuple et son obéissance; aussi modère-t-il le pouvoir des aristocrates. L'honneur est le principe de la monarchie parce qu'il forme et maintient distinctions et rangs sociaux. Enfin, limitant les ambitions des aristocrates et contraignant le peuple, la crainte est le principe du despotisme. La combinaison des natures et des principes des gouvernements rend possible la modération de la république et de la monarchie, et marque l'extrême dérèglement du despotisme, que seule la religion peut brider. Les gouvernements modérés doivent établir les lois nécessaires à la conservation de leurs principes contre le péril de leur corruption en despotisme.

Montesquieu établit un rapport entre la dimension territoriale d’un Etat et sa forme politique : selon lui, la propriété naturelle des petits Etats est d’être gouvernée en république, celle des " médiocres " d’être gouvernés en monarchie et celles des grands empires d’être dominés par un despote ; donc " pour conserver les principes du gouvernement établi il faut maintenir l’Etat dans la grandeur qu’il avait déjà ".

Il parle de subordination de l'exécutif au législatif : celui-ci contient la volonté générale de l'Etat , celui-là l'éxécution de cette volonté générale. Quant à la signification du législatif, c'est qu'il faut que "le peuple fasse par ses représentants tout ce qu'il ne peut pas faire par lui-même".

Locke insistait sur la continuité, pour ainsi dire, entre la masse du peuple et le corps des représentants. Montesquieu, lui, va insister sur ce qui distingue le corps des représentants de la masse du peuple. Car si le peuple est tout à fait capable de bien choisir ses représentants, il n'est pas apte à bien délibérer.

Et c'est du corps législatif que vient le danger premier : c'est lui, titulaire de la légitimité représentative, qui est le plus naturellement tenté et en mesure d'accroître abusivement son pouvoir. Pour tout dire, toutes les dispositions constitutionnelles ont pour but de rendre les deux pouvoirs approximativement égaux en force, ou en capacités, alors qu'en vertu du principe de légitimité, l'exécutif devrait être strictement subordonné au législatif.

Son génie, c'est qu'à l'objection classique des absolutistes : il faut bien que quelqu'un décide en dernier ressort, et celui-là a nécessairement la souveraineté absolue, Montesquieu répond : il faut bien en effet que les décisions soient prises, mais cela ne signifie nullement que ces décisions doivent être prises par un pouvoir. Une décision peut être prise par deux pouvoirs qui se sont accordés ; et ils s'accorderont --volens nolens-- précisément parce qu'il faut qu'une décision soit prise. Le vrai souverain n'est ni le législatif ni l'exécutif, c'est la nécessité : la plupart des décisions prises n'auront été voulues telles quelles par aucun des deux pouvoirs.

Chacun des deux pouvoirs, précisément parce qu'il fait face à un autre pouvoir de force approximativement égale, a besoin de partisans. Et parce qu'il est un pouvoir, il en attirera nécessairement.

Ainsi, parce que la société est représentée par un pouvoir divisé, les citoyens vont être impuissants à se faire beaucoup de mal les uns aux autres. Si un des pouvoirs paraît trop l'emporter, les citoyens se porteront au secours de l'autre. C'est que ces derniers ont en effet en général un double intérêt : que le pouvoir serve leurs intérêts et qu'il ne pèse pas trop lourdement sur la société ; et un double sentiment : que le pouvoir qui les favorise et qu'ils soutiennent les "représente", est "leur" pouvoir, et aussi qu'il est différent d'eux, distant, qu'il ne les comprend pas, va les trahir. Et c'est le jeu inévitable de ces deux intérêts et de ces deux sentiments inséparables qui garantit que les citoyens se porteront spontanément au secours du pouvoir qui sera devenu trop faible.

B. La modération du gouvernement et du législateur

1. Le législateur modéré

Montesquieu prône la modération du législateur : " l’esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique comme le bien moral se trouve toujours entre deux limites ".

2. Le gouvernement modéré

Montesquieu s’inscrit dans la droite ligne du libéralisme noble ou aristocratique dont la bête noire n’était pas l’absolutisme en soi, mais son mode d’exercice louis-quatorzien arbitraire et despotique.

Monarchie et despotisme. Pour Aristote, la tyrannie n’était qu’une variante de la monarchie. Pour Montesquieu c’est un type distinct de gouvernement, différent à la fois dans sa nature et dans son principe. Mais comment faire en sorte que la monarchie, gouvernement modéré, ne vire pas au despotisme ? Ce sont sa nature et son principe qui lui permettent de rester un gouvernement modéré. Cette nature postule des corps intermédiaires, " subordonnés et dépendants ", " des canaux moyens par où coule la puissance ". Ces corps font office de contre-pouvoirs car il est de leur essence même de résister opiniâtrement aux incursions indues du souverain au nom de cet honneur de corps qui a ses règles fixes. Les autres contre forces sont le clergé, les parlements (qui ont le dépôt des lois fondamentales), les villes (avec leurs privilèges) et les justices seigneuriales. Le système monarchique est présenté par Montesquieu comme un frein à tous les excès.

Monarchie et corruption. Pourtant la monarchie n’échappe pas plus que les autres gouvernements à la corruption et Montesquieu le reconnaît : " la monarchie se perd, lorsqu’un prince croit qu’il montre plus sa puissance en changeant l’ordre des choses qu’en le suivant, lorsqu’il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner à d’autres, et lorsqu’il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés ".

Montesquieu explique également pourquoi les hommes ne se soulèvent pas contre le fléau qu’est le despotisme : un gouvernement modéré est " un chef d’œuvre de législation " dont la constitution est complexe et nécessite des compromis ; " un gouvernement despotique, au contraire […] est uniforme partout : comme il ne faut que des passions pour l’établir, tout le monde est bon pour cela ".

Partie 3 : La liberté et le libéralisme politique

B. La liberté de tous

La liberté de tous. Dans la conception libérale du magistrat, la liberté signifie le droit non pas de tout faire mais "de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir". Inscrite dans la légalité, la liberté se définit négativement, par l'absence d'empiétement sur les libertés d'autrui. Elle est la conséquence non pas d'un régime politique spécifique mais de la modération des gouvernements qui règle la liberté d'indépendance et les excès du pouvoir. Montesquieu étudie donc avec une attention particulière les lois pénales et fiscales qui portent sur la situation du citoyen dans la vie civile et qui permettent au gouvernement d'assurer la liberté de tous.

B. La liberté politique

La liberté politique, relative au rapport entre le citoyen et la Constitution, et la liberté civile, qui concerne le rapport entre le citoyen et les lois, forment l'objet essentiel de De l'esprit des lois. Affirmant que "tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser", Montesquieu tente de trouver les moyens par lesquels "le pouvoir arrête le pouvoir" et de garantir par là la liberté des citoyens. La Constitution de l'Angleterre, établie sur la séparation des pouvoirs, fournit un modèle de gouvernement modéré dont le but est la liberté.

C. Le libéralisme politique

Mais l'opposition inaugurée par Montesquieu entre pouvoir et liberté, qui fait de lui l'un des fondateurs du libéralisme politique, ne se réduit pas à la séparation des pouvoirs. Dans la lignée de Locke, il considère que la représentation politique offre "la meilleure espèce de gouvernement que les hommes aient pu imaginer". Exécutif et législatif forment deux partis parmi les citoyens libres et jaloux de leur indépendance. Pour conserver celle-ci, les citoyens équilibrent la puissance des deux partis. Ainsi placés dans une haine réciproque impuissante, les pouvoirs se maintiennent sans jamais nuire à la liberté. Le principe de modération se traduit dans ce modèle, d'une part, par la distribution des pouvoirs de l'État, d'autre part, par la représentation de citoyens libres. En recherchant "la tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté", qui définit la liberté politique, Montesquieu découvre la capacité des lois à garantir la liberté.

Montesquieu souligne d’abord qu’au fil de l’histoire " chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations ". On a souvent vu la liberté en république où " les lois paraissent y parler plus et les exécuteurs de la loi moins ", en démocratie où " le peuple paraît à peu près faire ce qu’il veut "… mais une telle approche, explique Montesquieu, reviendrait à confondre " le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple ". En effet, " la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce qu’on ne doit pas vouloir ". La liberté c’est le pouvoir de faire tout ce que les lois permettent mais pas plus (sinon il n’y aurait plus de liberté pour tous les citoyens). Cette liberté politique " ne se trouve que dans les gouvernements modérés ", " mais elle n’est pas toujours dans les Etats modérés ; elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir ; mais c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (cf. Loi de Thucydide) […] la vertu même a besoin de limites. " L’existence de la liberté politique est donc subordonnée à une certaine disposition des choses (" pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ").

Montesquieu distingue trois sortes de pouvoirs présents dans chaque Etat : " la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ". Et pour que la liberté politique soit garantie il faut que ses trois pouvoirs soient exercés par des personnes différentes : " Tout serait perdu si le même homme, ou le même groupe de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ".

Pour commenter la répartition des pouvoirs, Montesquieu prend l’exemple de la constitution d’Angleterre. Le peuple en corps devrait légiférer (dans un Etat libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même), mais c’est impossible dans les grands Etats et plein d’inconvénients dans les petits : on aura donc recours à des représentants. Les représentants du peuple partagent le législatif avec les représentants des nobles, lesquels sont représentés à part (dans une autre chambre) sinon ils n’auraient aucun intérêt à défendre car la plupart des décisions seraient prises contre eux. Chacune des parties de ce législatif enchaîne l’autre par une faculté réciproque d’empêcher. De même, ces deux chambres sont liées par l’exécutif (le monarque) comme il est lié par elles ; ainsi, " toutes les parties, si opposées qu’elles nous paraissent, concourent au bien général de la société ; comme des dissonances, dans la musique, concourent à l’accord total ".

Cependant, comme l’a justement remarqué Jean-Jacques Chevallier, sans doute Montesquieu n’était-il pas un interprète entièrement fidèle du système anglais car " il semble bien que lui avait échappé le rôle, naissant mais capital, du Cabinet et de son leader le ministre principal ; c’est par lui et par son chef, lien personnel entre le roi et la majorité parlementaire, qu’étaient forcées d’aller de concert les parties mutuellement enchaînées à l’attelage gouvernemental ".

Conclusion

Sans oser croire possible en France un aussi beau système qu’en Angleterre, Montesquieu a souhaité pour sa patrie un minimum de distribution des puissances : une noblesse héréditaire, un monarque par elle balancé et équilibré, à la fois soutenue et contenue par elle, une monarchie réglée par des lois fixes (donc indépendantes de la volonté éventuellement capricieuse du souverain), un gouvernement modéré (qui ne risquerait pas de verser dans une des deux extrémités tant redoutées par Montesquieu : l’Etat despotique et l’Etat populaire).

N.B. : le système de séparation des pouvoirs prôné par Montesquieu tient plus des " checks and balances ", de la fusion des pouvoirs que d’une séparation totale : pour preuve l’ébauche de constitution élaborée par Montesquieu dans laquelle le roi dispose d’un droit de veto en matière législative et le législatif dispose d’un droit d’ingérence en matière judiciaire

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23 novembre 2007

LA PENSEE POLITIQUE DE ROUSSEAU

   

Cours en accès libre d'histoire des idées politiques



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Problématique : " Quels sont les problèmes qui ont poussé les hommes à renoncer à leur indépendance naturelle pour se soumettre à une communauté commune, politique? "

Jean-Jacques Rousseau est né le 28 juin 1712 à Genève, le second fils d'Isaac Rousseau et Suzanne Bernard. Dix jours après, sa mère meurt d'une fièvre puerpérale. Il est baptisé et élevé dans la religion calviniste. Isaac Rousseau, à la suite d'une rixe, a quitté la Genève et son fils est mis en pension à Bossey en 1722. Entre les années 1725 et 1728, Jean-Jacques avait un apprentissage chez un maître graveur de Genève, cependant, en 1728 en trouvant les portes de la ville fermées, il est allé à Annecy. Pendant la même année il a rencontré la grande maîtresse de sa vie, Madame de Warens (qui jouait le rôle de sa mère) et il a abjuré et adopté la religion catholique. Rousseau est resté chez sa maîtresse jusqu'à 1736, quand il est parti pour Paris. Au début de l'année 1745 il a commencé sa liaison avec Thérèse Le Vasseur, sa gouvernante. Thérèse avait eu 5 enfants de Rousseau, et il les avait tous déposés aux Enfants-Trouvés. En 1754, Rousseau est reçu à Genève et il est réintégré dans l'église calviniste. En même temps, il a recouvert sa qualité de citoyen genevois et commencé à écrire plusieurs de ses œuvres bien connus. Entre l'année 1750 et 1757, il a écrit le Discours, le Second Discours, la Nouvelle Heloïse, l'Emile, le Contrat Social et la Lettre à d'Alembert. En juin 1762, la police a confisqué l'Emile qui vient d'être en vent. Pendant toute l'année l'Emile et le Contrat Social étaient condamnés en France et à Genève. Rousseau a renoncé sa nationalité genevoise en 1763. Entre 1763 et 1768, il est obligé de fuir partout et, enfin, il s'est marié avec Thérèse Le Vasseur. Jusqu'à sa mort, Rousseau rédigeait les Confessions, les Dialogues et les Rêveries. Le 28 juillet 1778, il est mort à Ermenonville et en 1794 la Convention a transféré les restes du Jean-Jacques Rousseau au Panthéon.

De l’état de nature à la société

Le problème consiste à se demander comment les hommes ont pu passer d'un état nul de société à des rapports sociaux organisés et comment ils firent ce pas. Pour montrer l'origine radicale de la société, il faut prendre les hommes avant la société, à l'état naissant, cet état naissant c'est ce qu'on appelle : l'état de nature.

Ce qui est en commun à tous les théoriciens politiques des XVII et XVIII siècles c'est de poser le même problème : quelle est l'origine de la société, et de la résoudre par les mêmes moyens : l'état de nature et le contrat social. C'est l'état dans lequel se trouvent les hommes lorsqu'ils ne sont soumis à aucune autorité politique, c'est donc un état pré-social, pré-légal. Dans cet état, les hommes sont pleinement libres, nul n'est par nature soumis à l'autorité. Les hommes sont égaux et ce principe d'une égalité naturelle des hommes est commun à tous les penseurs de l'école du droit naturel.

On peut dire de Rousseau qu'il est le penseur naturaliste par excellence. En effet, l'idée de nature est au centre même de son œuvre. A ses yeux, l'état de nature est comme un état de dispersion. L'homme est seul, il se passe entièrement du secours de ses semblables, l'homme n'est donc pas social par nature, il n'est pas naturellement porté à s'unir avec ses semblables, en tout cas, pas durablement. Mais si l'homme primitif est asocial, il n'est pas pour autant antisocial. Bref, l'homme primitif est tout simplement indépendant, les hommes n'ont presque pas de relations entre eux, l'inégalité entre les hommes est presque nulle.

Le Discours sur l'origine des inégalités se divise en deux parties : la première partie est consacrée à la description de l'homme naturel, la seconde à l'origine de la société. Rousseau envisage l'homme naturel sous trois aspects :

L'aspect physique : l'homme naturel est un animal très bien organisé ;

L'aspect métaphysique : Rousseau s'interroge sur la différence essentielle entre l'homme et l'animal, ce n'est certainement pas l'intelligence, c'est sa qualité d'agent libre et sa perfectibilité ;

L'aspect moral : l'homme naturel a avant tout les soucis de sa propre conservation, il connaît "l'amour de soi", autrement dit un égoïsme instinctif et innocent. Enfin, il connaît un sentiment qui est antérieur à la réflexion qui est une répugnance innée de voir souffrir ses semblables : la pitié.

L'homme primitif, fondamentalement bon, connaît un bonheur, sa vie est équilibrée et puisqu'il a une vie asociale, il n'aurait jamais par lui-même quitté l'état de nature. Rousseau, en disant que l’homme est naturellement bon, renverse le fondement de l’analyse politique. Pour Rousseau, c’est la société qui est mauvaise, ce n’est pas l’homme. Quelle est la cause fondamentale qui a fait passer l'homme d'un état d'indépendance a un état social ? "C'est la nature qui subitement est devenu inhospitalière : elle a poussé les hommes à s'unir pour lutter contre les dangers ". L’homme devient mauvais, égoïste au travers de la culture, c’est-à-dire lorsqu’il interagit avec les autres. C’est l’institution de la propriété qui détruit la bonté naturelle de l’homme et le pousse à vouloir se saisir du bien d’autrui par la force. Pour sortir de cet état d’anarchie, Rousseau reprend le construit de Hobbes : le grand contrat social.

L’institution de la propriété augmente en des proportions gigantesques l’inégalité mais elle permet le développement de l’agriculture et le progrès de la civilisation. Rousseau conclut son discours en disant que la société viole la Loi de la Nature et instaure la misère et l’oppression.

Dans son explication du passage de l’état de nature à la société civile, Rousseau s’oppose à la vision de Hobbes. Pour celui-ci l’homme est par nature égoïste et méchant et ne s’associe à ses semblables que par intérêt. C’est donc la peur effrénée des hommes les uns pour les autres qui les conduit à fonder la société et abdiquent leur volonté et leurs droits à travers le pacte social. La vision de Rousseau s’oppose également à celle de Locke, pour qui la sociabilité est innée à la nature humaine et la société la continuation et le renforcement des liens préexistants dans l’état de nature.

Le contrat social et la théorie démocratique

Comment la société peut-elle être organisée de façon à assurer la liberté de l’Homme ? C’est ce que le livre de Rousseau (le Contrat Social) a pour mission de révéler. Le problème politique posé par le Contrat Social est le suivant : l’Homme peut-il, dans l’état civil, retrouver sous forme de liberté politique, la liberté ou l’indépendance qu’il connaissait à l’état de nature ?

Ce grand contrat n’est juste que si tout le monde s’y soumette, à l’unanimité et de manière volontaire. " Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale; et nous recevrons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. " Rousseau appelle cette association " corps politique ", " Cité " ou " République ". Incarnant la volonté générale elle est inaliénable, indivisible, infaillible et absolue.

A. Principe du Pacte social : la préservation de la liberté

La doctrine politique de Rousseau a pour idéal la liberté. Tous les prédécesseurs de Rousseau se demandaient à quelles conditions une autorité politique pourrait être instituée. Ils répondaient : par l’aliénation de la liberté naturelle. Autrement dit, l’institution du gouvernement civil se faisait donc pour eux au prix de la liberté naturelle. Chaque individu sacrifiait une partie de sa liberté naturelle pour mieux assurer sa sécurité. La grande originalité de Rousseau consiste à poser le problème ainsi : comment les Hommes peuvent-ils s’unir en un corps politique sans pour cela renoncer à leur liberté ? L’essentiel pour Rousseau, c’est de trouver "une forme d’association pour laquelle chacun s’unissant à tous n’obéissait pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. "Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’Homme". La liberté est un droit non aliénable et naturel à l’Homme et il est de l’essence de ce droit d’être non aliénable. La liberté ne saurait être cédée par un pacte car il n’y a rien au monde qui puisse pour un Homme compenser la perte de sa liberté. Un peuple qui aliène sa souveraineté perd sa qualité de peuple et se dissout par cet acte. De même un individu n’a pas le droit d’aliéner sa liberté, de même un peuple n’a pas le droit d’aliéner sa souveraineté. Ce sont là des droits que l’on possède sans avoir la faculté de les aliéner. Si un peuple aliène sa souveraineté, il se transforme en un troupeau d’esclave soumis au bon plaisir d’un maître, d’un despote. L’obéissance n’est légitime qu’autant qu’elle ne détruit pas la liberté individuelle. C’est la fameuse souveraineté du peuple qui constitue dans la société civile l’unique garantie de la liberté individuelle. On pourrait imaginer un peuple qui aliène sa souveraineté, mais c’est alors dit Rousseau "un peuple de fous, la folie ne fait pas droit". L’Etat a donc pour fin, pour but essentiel, la liberté de tous les citoyens.

Comment la vie sociale pourrait-elle être organisée de sorte que règne liberté et égalité ? Comment l’Homme civil pourrait-il retrouver sous forme de liberté civile l’indépendance qu’il connaissait dans l’état de nature ? Autrement dit, comment assurer la liberté en même temps que l’égalité de tous les citoyens ? Tel est le problème dont le Contrat Social donne la solution.

B. Le pacte social

Il faut trouver un contrat tel que la liberté soit définie par les lois de " telle sorte que, chacun obéissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ". Ce contrat qui permet ce passage de la liberté naturelle à la liberté conventionnelle, comporte certaines clauses qui définissent des droits et des devoirs pour l’adhérant au contrat. La clause essentielle repose sur le fait que chaque adhérent au pacte social doit s’aliéner totalement. Cela permet une condition égale pour tous mais aussi une supériorité absolue des droits du corps social public face aux droits des individus. Le pacte social suppose que " chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n’y a pas un associé sur lequel on n’acquiert le même droit qu’on lui cède sur soi, on garde l’équivalent de tout ce qu’on perd, et plus de force pour se conserver ". Ainsi, l’obligation pour le citoyen de s’aliéner complètement représente une condition fondamentale du fonctionnement du pacte social. Elle permet aux individus de tirer avantage de cette aliénation et de gagner plus qu’ils ne perdent. En effet, la vie en société leur permet de mieux se conserver et d’unir leurs forces avec celles des autres pour agir de concert.

1. La volonté générale et la Souveraineté

L'acte d'association produit un corps moral et collectif qui prend le nom de république ou de corps politique, ce corps politique est appelé Etat lorsqu'il est passif, souverain lorsqu'il est actif, puissance lorsqu'on le compare à ses semblables et enfin les associés prennent collectivement le nom de peuple et s'appellent :

-citoyens en tant qu'ils participent à l'autorité souveraine ;

-sujets en tant qu'ils sont soumis aux lois de l'Etat.

Par suite du contrat, chaque volonté individuelle est absorbée dans la volonté collective, autrement dit, les intérêts particuliers (égoïste) s’effacent devant l’intérêt général. Le contrat social est un pacte que les particuliers ont conclu entre eux et qui comporte pour tous les associés l’obligation de soumettre la volonté particulière qu’ils ont en tant qu’homme à la volonté générale qu’ils ont en tant que citoyens. C’est en ce sens que la souveraineté est caractérisée par l’indivisibilité : la souveraineté est issue de la volonté du Peuple entier, et non d’une partie du Peuple (elle serait sinon une volonté particulière. Mais cette volonté générale n’est pourtant pas la volonté de tous ; elle ne représente pas un simple compromis entre des volontés et des intérêts particuliers. Elle vise l’intérêt général et le bien commun.

Par le Contrat social, les pouvoirs des individus sont transmis à la communauté. Celle-ci est dirigée par l’intérêt général. Elle représente un pouvoir " souverain, inaliénable, indivisible, absolu, sacré, infaillible ". Le contrat fonde donc un corps commun, avec une volonté commune dans laquelle chaque citoyen a un droit de participation égale. L’ensemble formé par ces hommes est la Cité ou encore la République.

2. Les caractères de la Souveraineté

a) l’inaliénabilité

Impossibilité pour la souveraineté de faire l’objet d’une délégation Abandonner sa volonté à un autre revient à perdre sa liberté et donc à nier l’objet du pacte social. Rousseau rejette le régime représentatif : " s’il n’est pas impossible qu’une volonté particulière s’accorde sur quelque point avec la volonté générale, il est impossible au moins que cet accord soit durable et constant ; car la volonté particulière tend par sa nature aux préférences et la volonté générale à l’égalité ".

b) l’indivisibilité

La volonté du souverain est générale ou n’existe pas, elle ne peut pas être que la volonté d’une partie du peuple. La séparation des pouvoirs est une absurdité selon lui consistant à démembrer le corps social pour ensuite rassembler les pièces " on ne sait comment ". Pour Rousseau, il peut y avoir plusieurs émanations du pouvoir souverain unique, mais celles-ci en dépendent étroitement. Rousseau établira à ce sujet une dépendance étroite de l’exécutif à l’égard du législateur.

c) l’infaillibilité

Le souverain n’est infaillible que dans la formulation de la volonté générale qui correspond au bien commun et non pas à l’amalgame des diverses volontés particulières. La volonté générale ne regarde qu’à l’intérêt commun, ce n’est pas l’amalgame des diverses volontés particulières. Mais, si la volonté générale est toujours " droite et tend toujours à l’utilité publique ", le peuple peut être trompé. Rousseau est hostile aux partis, ces " brigues " susceptibles d’entraver par l’expression de leurs volontés propres la recherche de la volonté générale. Une fois débarrassés des partis, la volonté générale se formera à partir des consciences individuelles, naturellement tendues vers la recherche du bien commun. Il y aura sans doute des divergences individuelles, mais la somme de ces différences sera nulle et la loi traduira la volonté générale.

3. La loi

La loi est l’alpha et l’oméga du système de Rousseau. C’est grâce à elle que les hommes échappent à l’arbitraire et qu’ils ne sont soumis à aucun maître puisqu’en s’y conformant, ils n’obéissent qu’à eux-mêmes. Le contrat social est le fondement juridique de la loi, il instaure l’égalité et la liberté des citoyens :

- L’égalité : La loi protège chaque associé contre l’arbitraire (égoïsme des volontés particulières). Chaque associé doit renoncer à mettre autrui sous sa dépendance. Les associés reçoivent donc par le contrat social, l’assurance qu’ils seront protégés contre les empiétements individuels d’autrui et cela "de toute la force publique". Imaginons qu’un individu refuse d’être raisonnable en acceptant le contrat social. "Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps: ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre. Car telle est la condition qui, donnant chaque citoyen à la patrie le garanti de toute dépendance personnelle". L’égalité reste aussi entière qu’à l’état de nature mais sous une forme nouvelle. Dans l’état de nature, l’égalité venait de ce que chacun formait une unité absolue. A présent, dans l’état civil, l’unité vient de ce que "chacun se donnant également, la condition est égale pour tous". Cette égalité est structurellement comparable à l’état de paix dans l’état de nature.

La liberté : Chaque associé est libre parce qu’il s’est engagé de son propre aveu à obéir aux lois dont il est l’auteur. "La liberté est l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite". La loi part de tous et s’applique à tous. Ce sont les mêmes hommes qui sont à la fois souverains (c’est eux-mêmes qui font la loi) et soumis aux lois (ils sont sujets). Il n’y a pour Rousseau aucun milieu entre la violence (la tyrannie) et le droit (la démocratie). Nous nous trouvons devant un dilemme, devant une alternative: ou bien les individus obéissent aux lois par contrainte en vertu d’un acte de violence perpétré par les plus forts sur les plus faibles, et alors ces individus ne sont pas obligés à obéir à la loi, ou bien leur obéissance à la loi est née d’un engagement librement consenti par chacun d’eux, et alors leur obéissance à la loi repose sur une obligation légitime.

4. Les formes de gouvernement

Rousseau place le législateur comme inventeur de la loi. Le gouvernement exécute. Ce dernier est placé entre les sujets et le souverain. Il est chargé de l’exécution des lois et du maintien de la liberté. " J’appelle gouvernement, ou suprême administration, l’exercice légitime de la puissance exécutive, et Prince ou Magistrat l’homme ou le corps chargé de cette administration ".

La puissance exécutrice consiste à prendre des actes particuliers, et par conséquent ne peut pas relever du souverain. Elle est le ministre du souverain. Le gouvernement revêt trois formes différentes selon le nombre de ceux qui le composent :

ou bien le souverain confie le gouvernement à tout le peuple ou à la plus grande partie de celui-ci ;
ou bien le gouvernement est réuni dans les mains d’un petit nombre ;
ou bien il est remis aux mains d’un magistrat unique : le monarque.
Examinant les mérites propres à chaque gouvernement, il estime la démocratie bonne seulement pour un peuple de dieux. Elle exige un cadre spatial étroit dans lequel le peuple est aisé à rassembler. Si la monarchie présente l’avantage de l’unité de commandement, ses inconvénients l’emportent car elle est le type de gouvernement dans lequel la volonté particulière domine le plus aisément la volonté générale. L’aristocratie serait le meilleur gouvernement puisqu’il est dans l’ordre des choses que les plus sages dirigent la multitude.

Indépendamment des qualités et des défauts des diverses formes de gouvernement, Rousseau considère que pèse sur toutes un vice inhérent et inévitable : la tendance à dégénérer et à conspirer contre le souverain.

5. Le devenir de la liberté au sein de la société

a. La liberté civile

Le citoyen par la soumission aux lois retrouve sous forme de libertés politiques l'indépendance naturelle. Une des idées fondamentales de toute la théorie politique de Rousseau est la suivante : l'homme doit, une fois qu'il vit en société, reconquérir par le bon usage de la raison, les biens dont il jouissait à l'état de nature. La liberté est reconquise à travers la soumission aux lois.

b. La liberté morale

Par surcroît, l'homme en vivant en société connaît la justice, la moralité et la vertu. Ce sont des biens que l'homme naturel ignore, ce ne sont pas des dons de la nature, mais l'homme doit s'efforcer de les acquérir. Pour Rousseau, il ne fait aucun doute que le bonheur soit plus grand dans l'état de nature. Si l'homme peut et doit se féliciter de vivre en société, c'est que la vie sociale peut l'élever à la vertu. Comme l'écrivait Kant "moralité et vertu sont des biens précieux que le bonheur lui-même", l'homme sauvage les ignore, l'homme sauvage ne les connaît pas. C'est seulement en se soumettant à des lois que l'homme peut les mériter. "La morale est une science qui enseigne non pas la façon dont nous devons devenir heureux mais la façon dont nous devons devenir dignes de ce bonheur. "

6. La religion civile

Le Contrat social s’achève sur un chapitre essentiel et souvent négligé, celui consacré à la religion civile. Rousseau y défend des idées voisines de celles de Machiavel et de Hobbes. Selon lui, la cité ne saurait admettre une religion indépendante du pouvoir, et de ce point de vue, le christianisme apparaît incompatible avec une cité bien ordonnée. Le christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Son esprit est trop favorable à la tyrannie pour qu’elle n’en profite pas toujours. Les vrais chrétiens sont faits pour être esclaves. Alors quelle religion ? Le souverain doit fixer les articles d’une religion civile. Chacun doit respecter les dieux de la cité (c’est-à-dire les articles de la religion civile) qu’il les approuve ou non au fond de lui-même. Celui qui ne s’y plie pas peut être banni, non comme impie mais comme insociable.

3. La postérité de Rousseau

Rousseau est peut-être, avec Marx, le penseur politique qui a déchaîné le plus de passions et de jugements contradictoires. Certainement parce que l’un et l’autre ont été considérés sinon comme responsables de révolutions, du moins comme leurs inspirateurs. Ainsi, on devrait Staline à Marx, et Robespierre serait le rejeton inéluctable du Contrat social. Loin d’être un libéral, Rousseau allait être considéré comme le fourrier de la démocratie totalitaire. Proudhon l’accuse d’avoir rendu respectable l’ancienne tyrannie de droit divin en la faisant dériver du peuple. Dans cette optique, la pensée de Rousseau est assimilée au jacobinisme.

Rousseau peut-il être considéré comme un libéral ou comme un précurseur de la démocratie totalitaire ? Chez certains auteurs du 19ème siècle, Rousseau est effectivement un père intellectuel du totalitarisme. Il est une sorte de père spirituel des jacobins. Robespierre lit et admire Rousseau. Benjamin Constant va dire que Rousseau rend respectable la tyrannie de droit divin. Mais l’apologie de la dictature de Rousseau par certains est fausse ! L’objet du contrat social est de créer un espace où l’homme peut possède la liberté : choix de Rousseau en faveur de la liberté. Dans la mesure où la communauté peut avoir l’envie de diminuer la propriété, elle doit le faire d’une manière générale, pour tous. La liberté de restreindre la propriété est possible si elle est juste et générale.

Sieyès dira que Rousseau est un philosophe aussi parfait de sentiment que faible de vue. Bonaparte dira que Rousseau est un fou, qu’il " nous " a mené là où " nous " sommes.

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23 novembre 2007

LA PENSEE POLITIQUE DE JOHN LOCKE

LA PENSEE POLITIQUE DE JOHN LOCKE

   

Cours en accès libre d'histoire des idées politiques



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JOHN LOCKE est né le 29 août 1632 à Wrington, près de Bristol, dans une famille aisée du Somerset. Il est le fils aîné d'un conseiller juridique auprès des magistrats locaux. Sa jeunesse se déroule sur fond de révolution. La première révolution anglaise débute le 4 janvier 1642 avec le soulèvement de Londres et prend fin le 9 février 1649 avec la décapitation de Charles Ier Stuart. Aussi, arrivé à Oxford en 1652, les études de Locke coïncident-elles avec la période de la République. Durant l'hiver 1665-1666, Locke part en Brandebourg comme secrétaire d'ambassade de sir Walter Varre. De retour en Angleterre, il refuse un autre poste de secrétaire et s'installe à Oxford, où il a l'occasion de soigner lord Ashley (1621-1683), à cette époque chancelier de l'Echiquier, dont il devient le médecin particulier. La même année il compose un Essai sur la tolérance. En 1688, il est élu membre de la Royal Society, et publie un traité médical, l'Anatomica, suivi l'année d'après par un autre traité, De Arte Medica. A partir de l'élévation de lord Ashley à la pairie (1672), Locke fera office désormais de secrétaire attitré, subissant les contrecoups de la carrière politique de celui qui était devenu le premier comte de Shaftesbury. Charles II ayant mis fin aux fonctions de son chancelier en 1673, Locke obtint de Shaftesbury l'autorisation de se rendre en France, où il vint en 1675 et demeurera jusqu'en 1679, séjournant d'abord à Montpellier, puis par alternance à Paris. A cette date, il rentre à Londres où, sous la pression de l'opinion, Charles II avait dû restituer à Shaftesbury la charge de Chancelier. Lorsque après de multiples péripéties Shaftesbury quitte l'Angleterre pour les Pays-Bas, Locke, craignant d'être arrêté, s'y réfugie aussi (7 septembre 1783). Son exil coïncide avec la seconde révolution d'Angleterre. Il ne regagne pas l'Angleterre en novembre1688 avec Guillaume d'Orange (1650-1702), mais en février 1689 avec la princesse Mary (1662-1694), l'un et l'autre étant couronnés sous les noms de Guillaume III et de Marie II Stuart. Déclinant le poste d'ambassadeur auprès de Frédéric II, électeur de Brandebourg, Locke fera fonction de Commissaire des Appels en mai 1689, puis de Commissaire au Commerce et aux Colonies. C'est dans cette dernière période qu'il s'occupe de la publication d'une partie de ses œuvres conçues antérieurement. Ainsi, en mars 1689, paraissent, en latin, ses Lettres sur la Tolérance, puis sa traduction en anglais; en 1690 c’est le Traité du Gouvernement civil. Locke s'éteint le 28 octobre 1704 dans l'Essex à Oates dans la demeure de Lady Masham, fille du philosophe Ralph Cudworth.

Partie 1 : L'état de nature : "l’homme est naturellement bon"

Selon Locke, les hommes sont, par nature, libres et égaux (Hobbes est d’accord), et ils sont gouvernés par une loi naturelle qui est celle de la raison : les hommes sont donc par nature raisonnables, libres et égaux. L'usage de la raison permet et impose à chacun de se conserver en vie par ses propres moyens tout en veillant à ne pas "envahir" le droit des autres.

L’état de nature est présenté comme une période heureuse de communisme primitif. Mais contrairement à Hobbes, Locke croit que l’homme est bon par nature (avec certains inconvénients, comme son goût pour la vengeance), les hommes à l’état naturel sont relativement pacifiques, car ils sont raisonnables et sociables. Cet état de nature n’est pas régi par la loi de la jungle, comme le pense Hobbes. L’homme a une totale liberté de disposer de lui-même et de ses biens : chacun est maître et propriétaire de sa propre personne et de son travail, chacun est seigneur absolu de sa personne et de ses possessions. En raison de l’égalité entre les hommes, un droit de nature minimum impose à chacun le respect des autres dans leur personne et dans leurs biens. Pour Locke, c’est l’absence d’un arbitre entre les hommes et non l’exercice de la violence qui caractérise l’état de nature.

L'homme naturel est un propriétaire avant la lettre, entouré de sa famille, travailleur et honnête. Pourquoi abandonne-t-il cet état si heureux pour passer contrat avec d'autres et former une société? Il échange, et pour cela il crée, au sein même de l'état de nature, les deux instruments de l'échange que sont la monnaie et la capitalisation des marchandises. Par suite des hasards des récoltes successives ou par effet de la paresse et du mauvais vouloir de certains, les propriétés se modifient. Certaines croissent, d'autres s'amenuisent ou disparaissent. Naturellement égaux devant le droit, les hommes deviennent insensiblement inégaux devant la fortune. Locke se fait le théoricien d'une accumulation primitive du capital qui crée deux classes inégales, celle des propriétaires et celle des producteurs privés de moyens de production, voués à vendre ce qui leur reste, leur force productive. Cette inégalité engendre un danger, celui de la guerre entre les hommes. Il faut donc réactiver par les lois et la menace du châtiment l'égalité naturelle, protéger par une "société d'assurance mutuelle" la grande majorité des individus contre ceux qui les contestent. Ainsi naît la société politique, fondée sur le contrat librement consenti et tacitement accepté par ceux-là même qui ne l'auraient point voulu.

Pour Locke, comme pour Hobbes, l’origine du gouvernement et de la société civile réside dans la nécessité de sortir de l’incessant conflit qui naît de la loi de nature elle-même, c’est-à-dire du droit de chacun à faire ce qui lui semble convenable pour assurer sa conservation. L’origine de la société civile ou du gouvernement civil résulte de la volonté des hommes de sauvegarder leurs droits naturels à la vie, à la liberté et à la possession légitime des biens, ce que Locke appelle "propriété". Ainsi, pour régler les différends communs qui naissent du pouvoir de l’homme de faire tour ce qui est nécessaire pour sa préservation et de la liberté où chacun est d’être juge de sa propre cause, les hommes, par un contrat social, consentent librement à ce que le gouvernement fasse les lois et l’autorise à les exécuter en vue du bien public.

Partie 2 : Théorie du contrat social : vers la société politique

Pour survivre et assurer la sauvegarde de ses biens matériels, les individus par un consentement mutuel décident de s’organiser en un seul corps politique dans lequel le plus grand nombre a le droit de conclure et d’agir. La société politique qui se constitue a pour objet de préserver la liberté et de conserver la propriété. Les individus doivent abandonner leur pouvoir naturel (leur droit exécutif naturel : chacun peut punir, réparer et prévenir), et confier à la communauté leur droit d’arbitrer, sans pour autant abandonner leurs droits naturels : liberté et propriété (comme le souhaite Hobbes). Au fond, la société politique se résume dans l’existence d’un système juridique auquel tous les membres de la société peuvent désormais recourir pour régler leurs litiges et punir les délinquants.

Partie 3 : La théorie du Gouvernement civil

La distinction des pouvoirs : l’organisation du pouvoir politique.

Le gouvernement civil doit veiller à la paix, à la sécurité et à l’harmonie. Locke invente la distinction des pouvoirs :

· le pouvoir législatif est le pouvoir suprême de la république, il est sacré, c’est le pouvoir de faire les lois. Par le pacte social, il se doit de respecter et protéger les droits naturels, car il est l’expression de la volonté du peuple. D’aucune façon, ce pouvoir ne peut être transmis à un autre corps politique ni être aliéné ; il émane du Peuple ;

· le pouvoir exécutif, ou le pouvoir de faire exécuter les lois, est confié au prince. Il est subordonné au pouvoir législatif, mais pas subalterne. Toutefois, lorsque des problèmes se présentent dans des circonstances imprévues et indéterminées, celui-ci peut agir à discrétion pour le bien public ;

· le pouvoir fédératif se rapporte aux relations entre, d'une part, une république et, d’autre part, les individus et les États ne faisant pas partie de celle-ci. Il a pour objet de déclarer la guerre, de former des alliances, de faire des traités etc... Bref, il concerne les relations avec l’extérieur.

Locke explique deux raisons pour justifier la séparation des pouvoirs : l’exécutif est toujours actif, le législatif ne l’est pas ; il faut limiter la tentation naturelle d’abuser le pouvoir.

Locke n’introduit pas un pouvoir judiciaire, comme le fera Montesquieu, car pour Locke, c’est le peuple qui devrait trancher en cas de conflit entre les pouvoirs. Selon Locke, le peuple doit nommer les magistrats de son choix pour faire les lois.

Le peuple n’exerce donc pas le pouvoir directement, mais ce sont ses représentants qui légifèrent à sa place et qui veillent au respect des droits. Chaque individu accepte alors l’application de la règle de la majorité qui veut qu’une décision majoritaire des gouvernants soit considérée comme celle de l’ensemble des gouvernés.

L’exercice du pouvoir politique : la défense du système représentatif et anti-absolutisme

Le pouvoir est seulement un dépôt et non un contrat de soumission. Il n'est nullement question de se soumettre complètement à un pouvoir absolu, comme le souhaite Hobbes. Il s’agit d’un consentement du peuple. Le droit naturel se marie ici avec la Constitution anglaise.

L’idée développée est la nécessaire subordination de l’activité des gouvernants au consentement populaire. "Le peuple est le juge suprême de la façon dont les gouvernants remplissent leur mission puisqu’il est " la personne qui leur a donné le pouvoir et qui garde à ce titre, la faculté de les révoquer ". Le contrat est spécifique : " Bien qu’ils soient liés entre eux par une relation contractuelle, les membres du peuple n’ont pas d’obligation contractuelle envers le gouvernement, et les gouvernants bénéficient du gouvernement seulement comme membre du corps politique ". Ils ne sont donc que des représentants, des députés du peuple. Ainsi, le peuple détient la souveraineté, car il est l’auteur véritable des lois. De plus, ce consentement est un acte de confiance au pouvoir politique, ce qui implique que le gouvernement est responsable devant le peuple et soumis à son autorité.

Le peuple est délivré de son consentement et l’autorité qu’il a conférée aux pouvoirs civils est caduque si les gouvernants abusent de leur pouvoir. Le mandat de représentation est donc révocable parce que le peuple a un droit de résistance. Toutefois, ce droit n’existe pas pour satisfaire les aspirations populaires, mais pour défendre l’ordre établi et à faire respecter la légalité. Le gouvernement doit donc respecter ses propres lois et rendre compte de ses actions aux citoyens (c'est à dire que les citoyens ont un droit légitime de résistance à l'arbitraire).

Le pouvoir ne doit pas être absolu. Considéré sous cet angle, Locke est l’anti-Hobbes. " Exercer un pouvoir absolu et arbitraire, gouverner sans lois établies et permanentes, voilà qui est absolument incompatible avec les fins de la société et du gouvernement ". La République exclut l’arbitraire. C’est à une autorité chargée de gouverner au moyen de lois permanentes respectant les droits naturels (notamment celui de la propriété), que doit être remis le pouvoir.

Hobbes, le théoricien du libéralisme politique

Contrairement à Hobbes, qui est un individualiste autoritaire et croit qu’il faut sacrifier la liberté pour gagner la paix, John Locke est un individualiste libéral. Il ne croit pas dans un Léviathan avec autorité absolue, mais au contraire, il vise à éliminer le despotisme, à éliminer l’arbitraire. Il ne faut pas sacrifier, il faut conserver la liberté. Locke est un précurseur du libéralisme politique et républicain (et, dans une moindre forme, économique), un précurseur des Lumières, et un théoricien politique de la révolution anglaise.

Le libéralisme veut assurer la liberté de l'homme en société. Il est lié à la démocratie, dans la mesure où les droits de sûreté personnelle, de propriété et de contracter librement assurent la liberté de l'individu face au pouvoir exécutif, lui-même soumis au pouvoir législatif du corps politique constitué de citoyens libres et égaux en droits. La justice a pour fonction de faire respecter les droits individuels contre toutes les actions inamicales d'autres individus ou contre les décisions éventuellement arbitraires de l'Etat.

Locke est le fondateur de la conception moderne du droit. Locke se tient donc à mi-chemin de Hobbes et de Rousseau. Contre le premier, il refuse que l'instinct qui pousse les hommes à quitter l'état de nature soit la peur, et que le contrat qui les lie soit celui où l'on remet tous ses pouvoirs aux mains d'un seul. Il affirme le droit à l'insurrection: si un maître offense les lois et porte atteinte aux droits naturels, il est juste de briser le contrat et de revenir à l'état de liberté naturelle. Contre ce qui sera la pensée fondamentale de Rousseau, Locke fait de l'individu et de sa volonté particulière, de son droit inaliénable à la propriété et à l'échange, le fondement de la souveraineté.

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23 novembre 2007

LA PENSEE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES

LA PENSEE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES

   

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Hobbes est né en 1588, à Westport, ville qu'il a quitté à l'âge de quinze ans pour poursuivre ses études à Oxford, où il découvre le nominalisme et la scolastique. Engagé comme précepteur de William Cavendish, duc de Newcastle, il accompagne en 1610 son élève en Italie et en France. À partir de 1620, Hobbes travaille avec le chancelier et philosophe Francis Bacon, pour lequel il manifeste peu d'estime, mais qui lui permet d'entrer en contact avec le milieu scientifique : il se familiarise alors avec la philosophie mécaniste et porte un grand intérêt aux anciens philosophes matérialistes ainsi qu'aux recherches physiques sur la conservation du mouvement.

Auprès des défenseurs de l'orthodoxie théologique, il passe pour un imposteur et est victime de leurs attaques en 1624. Thucydide, dont il traduit en 1628 la Guerre du Péloponnèse, représente pour Hobbes un modèle de la connaissance, avant qu'il ne découvre, en 1629, à Paris, la méthode inspirée d'Euclide, qu'il commence à appliquer dans son Court Traité des premiers principes. Un nouveau voyage sur le continent, en 1631, lui permet de rencontrer Mersenne et Galilée. En 1640, alors qu'éclate la révolution anglaise, Hobbes rédige les Éléments du droit naturel et politique. Par prudence, il va s'installer en France, où il fréquente, jusqu'en 1651, Mersenne et Gassendi, étudie l'anatomie chez Vésale et approfondit ses connaissances en chimie. Plus tard, il se liera d'amitié avec William Harvey, qui avait découvert la circulation du sang et avec qui il partagera les mêmes affinités méthodologiques. En 1660, les Stuart sont restaurés et, bien que Charles II ne soit pas hostile à Hobbes, celui-ci devra se défendre contre de nombreuses accusations de trahison et d'athéisme. Le philosophe meurt à Hardwick Hall, le 4 décembre 1679. Le 21 juillet 1683, l'université d'Oxford condamnera De cive (paru en 1642) et le Léviathan (publié en 1651) en reprochant à ces œuvres d'attribuer à l'autorité civile une origine populaire et de prendre le "conatus" (l'effort pour se conserver soi-même) comme une loi fondamentale de la nature. Les étudiants dansèrent autour des bûchers où furent brûlés les livres condamnés dans l'allégresse générale.

Partie 1 : De l'état de nature à l'omnipotence du souverain.
La théorie rationnelle du Pouvoir.
L'essence du Pouvoir politique.
La fondation de l’Etat.

Hobbes est à juste titre considéré comme l’un des premiers penseurs de l’État moderne. De fait, son ambition fut d’élaborer une théorie rationnelle du pouvoir. Bien avant Rousseau, Hobbes montre que l'Etat trouve sa légitimité dans la notion de contrat social que retiendra la philosophie politique moderne. Il fait passer la souveraineté (absolue), critère essentiel de l'Etat, du prince au peuple.

Section 1 : L'état de nature : "l'homme est un loup pour l'homme"

Hobbes est un des premiers philosophes à introduire l'idée d'un état de nature. Hobbes, qui a longuement médité sur la Politique d'Aristote, s'oppose à la tradition aristotélicienne selon laquelle l'homme est un animal naturellement social. Pour Hobbes, l'homme est sociable non par nature, mais par accident.

L’état de nature ne doit pas être compris comme la description d’une réalité historique, mais comme une fiction théorique. Il n'a bien sûr jamais existé, mais il est une hypothèse philosophique féconde, une construction de l'esprit qui vise à comprendre ce que nous apporte l'existence sociale.

Cet état représente ce que serait l'homme, abstraction faite de tout pouvoir politique, et par conséquent de toute loi.

Dans cet état, les hommes sont gouvernés par le seul instinct de conservation - que Hobbes appelle " conatus " ou désir. Or, à l’état de nature, les hommes sont égaux, ce qui veut dire qu’ils ont les mêmes désirs, les mêmes droits sur toutes choses, et les mêmes moyens - par ruse ou par alliance - d’y parvenir. Chacun désire légitimement ce qui est bon pour lui. Chacun essaie de se faire du bien et chacun est seul juge des moyens nécessaires pour y parvenir. C'est pourquoi bien souvent les hommes ont tendance à entrer en conflit les uns avec les autres pour obtenir ce qu'ils jugent bon pour eux.

L’état de nature, c’est l’état de la "guerre de tous contre tous". Hobbes dira que "l’homme est un loup pour l’homme". Il élabore sa théorie politique et son éthique sur une base naturaliste. À l'état de nature, l'homme est dénué de toute bonté, comme les animaux livrés à la "loi de la jungle". Il y règne la puissance anarchique de la multitude (potentia, en latin). Doué de raison, c’est-à-dire de la faculté de calculer et d’anticiper, l'homme prévoit le danger, et attaque avant d’être attaqué. L'homme le plus faible pourrait avec de la ruse l'emporter sur le plus fort. Chacun est donc persuadé d'être capable de l'emporter sur autrui et n'hésite pas à l'attaquer pour lui prendre ses biens. Des alliances éphémères se nouent pour l'emporter sur un individu. Mais à peine la victoire est-elle acquise que les vainqueurs se liguent les uns contre les autres pour bénéficier seul du butin.

Cette guerre est si atroce que l'humanité risque même de disparaître. A ceux qui penseraient que cette vision de l'humanité est pessimiste, Hobbes rétorque que même à l'état social où pourtant existent des lois, une police, des juges, néanmoins nous fermons à clef nos coffres et nos maisons de peur d'être détroussés. Or l'état de nature est sans loi, sans juge et sans police... C’est l’angoisse de la mort qui, résultante de l'égalité naturelle, est responsable de l’état de guerre et fait peser sur la vie de tous une menace permanente. Cet état, fondamentalement mauvais, ne permet pas la prospérité, le commerce, la science, les arts, la société.

Une humanité livrée à elle-même, sans l'ordre social aurait fini par disparaître. Ce qui va sauver l'homme c'est sa peur de mourir et son instinct de conservation. L'homme comprend que pour subsister, il n'y a pas d'autre solution que de sortir de l'état de nature. Cependant, pour Hobbes, cela ne signifie pas qu'il n'existait pas de droit naturel antérieur à la formation de la société. Au contraire, il existe une loi de la nature qui est dictée à notre conscience : la droite raison. Le premier choix fondamental de la nature est qu'il faut rechercher la paix et ne rechercher le secours de la guerre que si la première est impossible à obtenir. Pour y arriver, dit Hobbes, il est nécessaire de renoncer à certains de ses droits. C'est là qu'intervient la théorie du contrat. Ce qui va permettre de passer de la nature à la société, de la guerre à la paix, c'est un contrat passé entre les sujets et un souverain.

Section 2 : Vers la société civile : la théorie du contrat

Sortir de l'état de nature, c'est renoncer à son droit naturel. C'est librement et volontairement que les hommes, par un pacte mutuel échangent leur liberté naturelle contre la paix et la sécurité. Le garant de cette paix et sécurité sera le souverain, homme ou assemblée, qui exercera le pouvoir.

C’est donc d’un contrat, c’est-à-dire d’un acte volontaire et juridique, que naît le pouvoir. L’origine du pouvoir n’est ni naturelle ni divine, mais artificielle et humaine. Avec Hobbes, la loi cesse d'être d'origine divine, elle redescend du ciel sur la terre et trouve sa source dans un contrat par lequel les hommes donnent naissance à un être artificiel, Léviathan, selon le nom inspiré du monstre biblique que Hobbes donne à l'Etat.

Le contrat chez Hobbes n'est pas un contrat collectif : c'est successivement que chaque individu, un à un, donne pouvoir au chef (le modèle ici est le modèle féodal où chaque vassal faisait allégeance à son suzerain). Chacun s’accorde avec chacun pour renoncer au droit de se gouverner lui-même et pour remettre tout son pouvoir aux mains d’un seul homme, en lui reconnaissant un pouvoir souverain constitué de la somme des pouvoirs de tous.

Section 3 : La théorie de la souveraineté et son absolutisme

A. La souveraineté absolue

On l'a vu, les hommes, pour préserver leur vie et pour s'acheminer vers la paix, renoncent d'eux-mêmes à l'état de guerre et choisissent une autorité supérieure : le souverain. Celui-ci hérite de tout ce qui était propre aux individus dans l'état de nature pour en être le détenteur exclusif.

Le léviathan, cet anthropomorphisme utilisé par le philosophe, détient un pouvoir absolu et illimité en échange de la paix civile apportée aux individus. Le droit du souverain, individuel ou collectif, est nécessairement illimité, puisque le droit qui lui a été transmis par chacun était illimité : c'est une souveraineté absolue et indivisible, plus intransigeante que celle de Bodin (Hobbes soutient l'absolutisme, et non l'arbitraire et le despotisme).

Dans l'interprétation religieuse traditionnelle du pouvoir royal, la notion de pouvoir absolu signifiait que le Roi se rattachait directement à Dieu, qu'il n'avait de comptes à rendre qu'à Lui, qu'il était son lieutenant, ou encore son "représentant", et que partant, il participait, "analogiquement", de la toute-puissance ou de la souveraineté de Dieu. Mais le cas du pouvoir absolu hobbien est tout différent. Ce n'est plus un être tout-puissant qui donne l'existence et le sens de son existence au pouvoir absolu qui le représente, ce sont au contraire des êtres impuissants qui le créent pour remédier précisément à leur faiblesse. Le pouvoir absolu de Hobbes n'est plus représentant de Dieu, mais des hommes.

B. Les différentes formes de gouvernement

Il reconnaît plusieurs formes de gouvernements (monarchie, démocratie, aristocratie), mais ne cache pas sa préférence pour la monarchie tenue pour la plus efficace. Dans la monarchie, les intérêts personnels du gouvernement coïncident avec l’intérêt public. Il n’y a pas d’injustice en dehors des lois ; il y a que des bonnes ou des mauvaises lois.

Hobbes distingue classiquement la Monarchie, l'Aristocratie et la Démocratie. Par contre, il exclut tout gouvernement mixte. Hobbes exclue l'idée classique depuis l'Antiquité qu'il existe une forme pure et une forme dégénérée pour chaque type de gouvernement.

Toute société commence nécessairement par la démocratie c'est à dire l'assemblée de tous ceux qui dans l'état de nature conviennent unanimement de conclure un contrat social et de se soumettre à la décision de la majorité d'entre eux.

Ce système initial peut se transformer soit en Aristocratie soit en Monarchie selon l'autorité à qui l'assemblée souveraine cède son pouvoir : un monarque ou un aristocrate. Il ne faut pas que cette cession se fasse par un contrat. Dès la cession, l'assemblée redevient une multitude de sujets et l'autorité reçoit alors sa souveraineté. S'il y avait contrat, on parlerait de gouvernement délégué et non de souveraineté. En principe, l'autorité souveraine ne meurt jamais sauf si son titulaire meurt ou y renonce sans désigner de successeur. Dans cette hypothèse, il y a retour à l'état de nature.

Pour Hobbes, la Monarchie est la meilleure forme de gouvernement. Certes, elle peut avoir des maux mais ceux ci sont bien plus répandus encore dans la démocratie. Comme les citoyens ne participent pas à l'élaboration des lois, cela leur permet de se consacrer entièrement à leurs affaires domestiques et personnelles.

C. Un despotisme ?

Aux yeux de Hobbes le droit de résistance est purement et simplement exclu. Le souverain, même s'il use de la dernière violence, ne peut rien faire contre l'intérêt du peuple puisqu'il le sort de la pire des situations qui soit : l'état de nature. Toute révolte risque de faire réapparaître cet état de nature. Or, si "à l'état de nature l'homme est un loup pour l'homme, à l'état social l'homme est un dieu pour l'homme".

C'est cela qui incita Rousseau à voir Hobbes comme un défenseur du despotisme. Mais ne le réduisons pas trop vite à cela. Hobbes avoue en effet que cette autorité absolue n'est pas sans risque. Il envisage que si le pouvoir était à ce point arbitraire et tyrannique qu'il mettrait en péril la vie de ses sujets, ceux-ci peuvent se défendre (c'est en effet pour se préserver qu'ils ont admis le contrat) mais cela ne signifie pas qu'il y ait droit à la résistance : il y a toujours liberté de conscience et droit de défendre la loi naturelle. Le pouvoir est absolu parce que c'est le garant de sa stabilité. Cela ne signifie pas qu'il soit nécessairement arbitraire ou despotique.

L’absolutisme de Hobbes a été critiqué et sa doctrine interprétée comme préfigurant une forme d’État totalitaire. Pourtant, en donnant à l’État un fondement juridique, Hobbes peut être considéré en réalité comme un précurseur de ce qu’on appelle aujourd’hui l’État de droit. Au cœur de sa réflexion est posée en tout cas cette double question qu’aucune démocratie ne peut éluder : quelle part d’obéissance le pouvoir peut-il légitimement exiger, sans outrepasser son droit ? mais aussi : quelle part de liberté des hommes vivant en communauté peuvent-ils légitimement réclamer, sans menacer la paix civile ?

Si Hobbes n'est certes pas un théoricien de la démocratie, en cherchant à résoudre d'une manière neuve la question de l'Etat et des fondements du pouvoir et de l'obéissance, il s'affirme comme le véritable fondateur de toute la pensée politique moderne.

Partie 2 : Autres apports de la philosophie politique de Hobbes

Section 1 : Hobbes et la religion

Le reproche d'athéisme que l'on faisait à Hobbes était malencontreux car il est nullement question d'athéisme chez lui. Pour Hobbes, il convient d'obéir à la société civile dans tout ce qui n'est pas contraire aux commandements de Dieu. Mais s'il est facile de déterminer quels sont les commandements encore faut-il les interpréter. Ceci doit être déterminé par la société civile elle-même. Pour Hobbes, il ne saurait y avoir de séparation entre pouvoir temporel et spirituel. Selon Hobbes :

- dans un état chrétien, l'église et l'état sont confondus mais pour les questions religieuses, le prince doit s'en remettre aux personnes consacrées ;

- dans les états non chrétiens, le pouvoir temporel dispose du pouvoir religieux mais cela ne signifie pas qu'un sujet chrétien pourrait légitimement désobéir.

Section 2 : La place de la liberté chez Hobbes

Le lecteur de Hobbes peut légitimement s’interroger sur le sort que réserve celui-ci à la liberté. L’impossibilité pour les sujets de contester les décisions du souverain donne à penser qu’elle se réduit à néant. Ce serait inexact. Liberté et nécessité sont étroitement associés. C’est librement qu’en considération de la nécessité de la paix et de la sécurité que les hommes ont créé le Léviathan et les lois civiles. La liberté ne saurait permettre les individus de s’affranchir des lois. Une telle revendication serait absurde parce qu’elle replongerait chacun dans l’état de nature. La soumission absolue aux lois connaît cependant une limite intangible liée au droit de nature. Le souverain ne peut pas aller à l’encontre des raisons même de son existence.

Le fondement du libéralisme, c'est la distinction entre la société civile et l'Etat : celui-ci est le représentant et l'instrument de celui-là. En définissant la puissance naturelle de l’individu comme un pouvoir sur les choses, Hobbes donne le cadre théorique du libéralisme : droit, intérêt, désir et possession. Thomas Hobbes a des éléments annonçant l’économie moderne et le libéralisme économique.

Section 3 : L’individu comme fondement de la société

Hobbes était obsédé par la peur de la mort violente. C’est pour cette raison qu’il voulait donner la paix aux hommes. Il était désireux de défendre l’individu qui lui paraissait être le fondement de la société, et pour ce faire il voulait que le pouvoir soit confié à un souverain tout puissant : le Léviathan.

L’individu constitue la réalité fondamentale. L’homme raisonne dans son cadre individuel, il cherche sa fin en lui-même et s’oriente par sa propre volonté. Si l’homme vit en société c’est pour trouver la satisfaction de ses intérêts. Pour Hobbes la nature humaine est égoïste. Il défend un individualisme pessimiste et fermé. La société va naître de la cruauté de chaque homme envers les autres. Dans l’état de nature, les hommes sont en guerre permanente les uns contre les autres et chacun doit constamment défendre sa vie à peine de mourir ou d’être soumis. Dans l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme (" Homo homine lupus ").

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23 novembre 2007

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL

   

Cours en accès libre d'histoire des idées politiques



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Né à Florence en 1469. Sous les Médicis, plusieurs complots éclatèrent. En 1494, la révolte populaire obligea le duc Pierre à s’enfuir et la république fut proclamée. Le moine Savonarole établit un gouvernement théocratique qui s’exprima par une dictature et la répression contre les vices, le règne de l’argent et le pouvoir des puissants jugés corrompus. La population florentine se lasse de ces excès et condamna Savonarole qui fut brûlé sur le bûcher en 1498. Machiavel mène une vie retirée jusqu’à la fin de la dictature de Savonarole. Il est admis par concours aux fonctions de secrétaire de la seconde chancellerie de la république florentine (sorte de ministère chargé des relations extérieures). Dans ce cadre, il effectue plusieurs missions diplomatiques à l’étranger. La chute de la République et le retour au pouvoir des Médicis perturbe sa carrière : il est jugé trop lié au régime déchu. Il prend une retraite forcée à la campagne pendant laquelle il écrira plusieurs ouvrages dont le Prince (dédié à Laurent de Médicis – Machiavel espérait entrer dans ses grâces).

Machiavel ne s'interroge pas, à la façon des utopistes, sur ce que devraient être les États, mais sur ce qu'ils sont, et sur les lois, tirées de l'histoire, qui président à leur constitution, à leur vie et à leur déclin; lorsqu'il envisage l'ensemble des moyens de conserver le pouvoir, il ne se pose pas les questions sur la nature profonde de l'être humain qui intéresseront, après lui, Hobbes ou Rousseau. Ce qui le passionne est plutôt de découvrir la façon la plus efficace d'exercer le pouvoir, qui n'est pas toujours la manière forte. Le meilleur moyen de dominer les hommes qui ont goûté à l'indépendance est encore de leur octroyer certaines libertés. Et, dans le même sens, Machiavel déconseille au Prince de s'attaquer aux Républiques, qui "ont plus de vie, haïssent et désirent la vengeance plus âprement". Si la pensée politique de Machiavel a pu paraître ambiguë, c'est paradoxalement parce qu'en dévoilant la vérité du pouvoir, elle a pu être utilisée par des personnages qui n'y ont vu qu'un manuel cynique d'instauration de la tyrannie.

On attribue au Prince de Machiavel le renouveau de la pensée politique occidentale. Ce livre qui s'est placé en rupture avec les doctrines médiévales dont il a rejeté la part métaphysique n'est cependant pas le premier traité politique moderne et s'inscrit comme le Courtisan de Castiglione dans la continuité de la culture classique et plus particulièrement à la Rome antique (Cicéron, Traité des devoirs). Le Policratus de Jean de Salisbury (1115-1180) publié pour la première fois à Bruxelles en 1480 et le Songe du vergier (1378) avaient déjà initié le renouvellement de la pensée politique en considérant l'Etat comme un phénomène social ou un organisme sujet aux maladies et en plaidant pour la sécularisation de la pensée politique.

L'objet de son étude est l'exercice du pouvoir. Il explique comment on se l'approprie et comment le maintenir (69). Il tire de ses constatations des lois régissant l'action politique. Il analyse d'abord finement les motivations des différents groupes ou individus qui composent la société et fort de sa connaissance étroite de la nature humaine, il élabore l'attitude que le prince devrait adopter.

Le Prince

1) La Religion

L’adoption d’une manière d’agir en accord avec les grands principes religieux (acceptation de la souffrance, mépris des choses de ce monde, pardon des offenses…) conduit certainement à l’échec politique. Pour conquérir et conserver une principauté, il faut avoir et exercer la force, ce qui est le contraire de la douceur évangélique. Machiavel n’est pas pour autant antireligieux ou désireux de détruire l’église. Il pense même que la religion peut favoriser le bon fonctionnement de l’Etat, à condition que le Prince utilise la religion et non pas qu’il soit contrôlé par elle. Machiavel marque une hostilité à l’égard de l’Eglise romaine. Loin de favoriser l’unité italienne, l’Eglise, par son mauvais exemple, y a détruit tout sentiment de piété et l’a doté de tous les vices. Sans oublier sa responsabilité dans la division politique du pays.

2) L’Unité de l’Italie

Machiavel souhaite le renforcement et l’unification de l’Italie (c’est d’ailleurs sur ce thème que s’achève le Prince) autour d’une personne capable de la réaliser. Il songea d’abord au pape Julien II puis à Laurent de Médicis. Cette unification est la finalité ultime du Prince, elle amènerait la paix et la prospérité à toute l’Italie. Tous les moyens doivent être employés pour y parvenir. Au dernier chapitre du "Prince", Machiavel exprime son désir de voir l'Italie débarrassée des invasions étrangères et revenir à ces temps, où elle "était dans une certaine mesure équilibrée" (156). Il pense que les règles qu'il décrit pourraient amener Laurent de Médicis à se comporter comme un grand homme et a sauver la nation. Les troubles dont la péninsule souffre créent une situation tout indiquée pour parfaire cette entreprise. La première étape serait de mettre sur pied une armée d'une organisation nouvelle, prenant le meilleur des tactiques militaires européennes; la seconde serait peut-être d'engager Nicolas Machiavel comme conseiller du Prince?

3) La Notion d’Etat

Machiavel est le premier auteur à avoir employé le mot Etat dans son sens moderne : l’Etat est un cadre dans lequel diverses formes de pouvoir son exercées. Machiavel distingue deux sortes de gouvernement : les républiques et les principautés. Dans le Prince, il attache son attention aux principautés.

4) Les Principautés

Machiavel distingue deux sortes de principautés : les principautés héréditaires et les principautés nouvelles. Les principautés héréditaires ne présentent pour lui qu’un intérêt médiocre. En effet, les principautés héréditaires sont faciles à acquérir et faciles à conserver à condition " de ne pas outrepasser l’ordre et les mesures établies par ses prédécesseurs et de céder à propos aux évènements…". Il va donc s’attacher à étudier les principautés nouvelles ou principautés non héréditaires. Machiavel en distingue deux : les principautés mixtes (constituées d’un Etat existant auquel on a rattaché d’autres terres) et les principautés écclésiastiques (difficiles à obtenir car il faut payer). Les principautés nouvelles présentent un danger d’instabilité, car le peuple peut espérer qu’un nouveau prince sera supérieur au prédécesseur. Il existe plusieurs moyens pour que le Prince conquiert le pouvoir : la force et la chance.

Quelle que soit le type de principauté, " on ne doit jamais laisser subsister un désordre pour éviter une guerre ".

2. Les qualités que le prince doit avoir

Une fois le pouvoir acquis, il faut le conserver. Seul un grand homme peut maîtriser les puissances étrangères et ses sujets (peuple et grands). Pour ce faire, il doit posséder le talent, le mérite, le courage et la sagesse. Il s'en tient au bien, s'il le peut, mais sait entrer dans le mal, s'il le faut (143). Mi-homme, mi-bête, il incarne l'équilibre dont un État bien réglé a besoin, en usant à bon escient de la loi comme de la guerre (152). Conformant ses actions avec la situation, il conserve son État et instaure un ordre social et "international" durable.

L’art militaire

Les Princes doivent " faire de l’art de la guerre leur unique étude et leur seule occupation ; c’est là proprement la science de ceux qui gouvernent ". Le pouvoir est toujours le fruit de l’emploi efficace de la force. L’armée de mercenaires présente des inconvénients (coût, fidélité fragile) c’est pour cette raison qu’elle ne devrait constituer qu’une force d’appoint à une armée nationale (fidèle car elle se bat pour elle-même, moins coûteuse car il suffit d’assurer son entretien). Ce prince idéal doit disposer de bonnes armes. Il peut ainsi s'assurer de ses ennemis et se concéder l'amitié des faibles. Bien que l'art de la guerre soit le moyen principal d'arriver à ses fins (127), le prince peut aussi faire preuve de ruse et de scélératesse, pour manipuler ses adversaires. Toutefois, voulant restaurer l'ordre de sa monarchie, s'il doit commettre des actes cruels ou répugnants, il doit le faire sous couvert d'un bien paraître que rien ne peut altérer.

La Ruse

Les qualités qui font louer ou blâmer les hommes ne sont pas celles qu’ils ont réellement mais celles qu’ils paraissent avoir. Il n’est donc pas nécessaire d’être mais seulement de paraître. La vertu n’est pas un bien en soi, il est même parfois dangereux de la pratiquer dans un milieu qui ne la reconnaît pas. Il vaut mieux ne pas pratiquer la vertu plutôt que de risquer de perdre le pouvoir.

Parce qu'il conseille aux princes la ruse, parce qu'il leur dit de ne pas tenir leurs promesses, on a fait de Machiavel un immoraliste. C'est plutôt d'amoralisme qu'il faudrait parler. Machiavel ne se préoccupe nullement de morale. Il ne cherche pas à nous expliquer à la manière de la philosophie classique ce que doit être la cité juste mais il veut analyser la chose politique avec un jugement de type scientifique à l'exclusion de toute considération morale. En ce sens Machiavel est le fondateur de la science politique moderne.

Machiavel constate que la pauvreté est un mal, en rupture avec le modèle traditionnel valorisant la générosité, il écrit qu’ " un prince, pour ne pas devenir trop pauvre, pour pouvoir défendre ses états s’ils sont attaqués, pour ne pas surcharger ses sujets de nouveaux impôts, doit peu craindre d’être taxé d’avarice puisque ce prétendu vice fait la stabilité et la prospérité de son gouvernement ".

" Un prince doit évidemment désirer la réputation de clémence, mais il doit prendre garde à l’usage qu’il en fait ", d’une manière générale, il vaut mieux qu’il soit craint qu’aimé. Cependant, il " doit se faire craindre de telle sorte que s’il n’est pas aimé, du moins il ne soit pas haï ".

Enfin, si certes " il est très louable pour un Prince d’être fidèle à ses engagements ", il ne faut pas risquer de perdre le pouvoir par un excès de vertu. Il faut donc essayer d’être honnête, mais si besoin est déroger à cette honnêteté.

La Propagande

Machiavel fait la théorie du gouvernement d’opinion. Le Prince doit donner une image de lui-même qui lui assure le soutien de la population. Il n’est pas nécessaire à un Prince d’avoir toutes les qualités " mais il lui est indispensable de paraître les avoir ". Les vertus que l’on aime chez les hommes ordinaires sont peu appréciées chez les princes et peuvent même être dangereuses. Le Prince " doit persévérer dans le bien lorsqu’il n’y trouve aucun inconvénient et s’en détourner lorsque les circonstances l’exigent ".

3. Les grands traits de la conception Machiavélique

Une vision pragmatique de la politique : naissance du concept de la raison d’état. La politique a une fin (le bien général) et cette fin justifie les moyens qui vont être employés pour l’atteindre. Machiavel prône un gouvernement pragmatique, détaché de la morale et de la religion, ayant parfois recours au mensonge ou à la force dans le but d’apporter, à terme, le bien général. Cette attitude diffère profondément de la pensée médiévale contemporaine à Machiavel.

Le machiavélisme est souvent présenté comme moralement condamnable. Edward Meyer a recensé 395 références à Machiavel dans la littérature élisabéthaine et pour tous ces auteurs le machiavélisme est l’incarnation du mal.

Pour Spinoza " il est certain que cet homme si sagace aimait la liberté et qu’il a formulé de très bons conseils pour la sauvegarder ".

Hegel, lui, fit l’apologie de Machiavel.

Antonio Gramshi, marxiste, fit, au XXe siècle, l’apologie de Machiavel, mettant en parallèle son œuvre et celle de Marx. Pour Gramshi le Prince moderne est le parti communiste.

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23 novembre 2007

LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS

LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS

   

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SECTION 1 : LES PRINCIPES DE CREATION ET DE SUPPRESSION DES SP

Paragraphe 1 : Les services publics nationaux

Avant 1958, on considérait que la création et la suppression des SP était réservée à la loi. On estimait que les SP placés sous l'autorité des gouvernants empiétaient sur les personnes privées. En créant un SP, on limitait l'action des particuliers. Les concurrences étaient faussées. Concernant la suppression, on considérait qu'elle ne découlait que de la loi, ceci en application de la règle du parallélisme des formes et des compétences : ce qu'une loi fait, seule une loi peut le défaire. Étant donné que le SP cherche à satisfaire l'intérêt général, la suppression peut porter atteinte à l'intérêt général et donc seul le législateur pouvait intervenir.

Des changements sont intervenus dans la Constitution de 1958, qui effectue une distinction entre la loi et le règlement. Article 34 : n'y figure pas la création ou la suppression de SP ; cela est réservé au pouvoir réglementaire donc, car l'article 34 énumère les domaines réservés au législateur. Mais si on lit la liste de l'article 34, on s'aperçoit que certaines rubriques peuvent avoir indirectement un lien avec le SP. Par exemple, l'article 34 réserve à la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de l'activité publique ; la loi établit des règles concernant les établissements publics ; elle s'occupe des nationalisations d'entreprises et des transferts des entreprises du SP au service privé... En ce qui concerne la suppression d'un SP, on fait toujours application de la règle du parallélisme des formes. Si c'est un règlement qui a créé un SP, seul un règlement pourra le supprimer.

Paragraphe 2 : Les services publics locaux

Les collectivités territoriales peuvent créer des SP. Les SP ne peuvent être créés que dans la compétence confiée à ces collectivités. Les lois de décentralisation, à partir de 1982, ont élargi les possibilités de créer des SP. On peut considérer qu'il y a trois sortes de services publics :

- Les SP obligatoires : créés par la loi et que la loi a expressément confié à telle ou telle collectivité territoriale. Les SP résultent d'un transfert de l'État. Exemple : le SP de l'Enseignement. Les communes s'occupent de l'enseignement primaire, les départements des collèges, et les régions des lycées. Le juge administratif a considéré que les collectivités locales ne devaient pas en principe intervenir directement dans certains domaines réservés à l'activité des particuliers quant à la création du SP. Ce domaine était le domaine économique, industriel et commercial. Exemple, les communes ne doivent pas faire d'actes de commerce. Cette Jurisprudence a été inaugurée par un arrêt du Conseil État du 30 mai 1930 ; elle visait à éviter que ne se développe le socialisme municipal (atteinte au libéralisme) ;

- Les SP facultatifs : les collectivités locales peuvent créer des SP qu'elles estiment nécessaires ;

- Les SP interdits : les interventions des collectivités locales faussent la concurrence, car les SP vont avoir des avantages par rapport aux entreprises privées. Le juge va considérer que dans certains cas, le collectivité peut créer des SP. Trois types de circonstances :

* Lorsque l'activité de SP ne peut fonctionner que sous forme de monopole ou qu'avec occupation du domaine public ; le juge considère qu'il vaut mieux que ce soit la personne publique qui gère cette activité ; c'est le cas également des SP de fourniture d'eau, de transports en commun... ;

* Lorsque le SP poursuit un but de police administrative ; il s'est agit de la création d'un SP pour préserver l'hygiène publique ;

* Lorsqu'un intérêt public justifie l'intervention.

SECTION 2 : LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT DES SP

Paragraphe 1 : Le principe de continuité

C'est le principe le plus connu. Dès le début, on a considéré que le SP ne pouvait pas s'arrêter de fonctionner. Cette activité de SP est d'une importance telle qu'elle ne peut être interrompue un seul instant. La continuité est un des caractères essentiels du SP. Plus récemment, le Conseil constitutionnel est revenu sur l'importance de ce principe par une décision du 25.07.1979 : le principe de continuité a une valeur constitutionnelle.

Ce principe concerne surtout les agents du service et plus spécialement le droit de grève. Il concerne également les co-contractants du SP. Avant 1946, le juge administratif considérait que la grève était contraire au principe de continuité : toute grève était ainsi interdite dans les SP (Arrêt du 07.08.1909, affaire Winkell). Le préambule de 1946 dispose que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Le constituant reconnaissait donc l'existence du droit de grève. Le législateur n'a ébauché aucune loi générale qui règle de problème du droit de grève dans les SP. Il y a eu quelques lois, mais elles concernaient seulement certains SP : exemple, la grève est interdite au personnel des prisons, aux CRS.

Pour concilier droit de grève et interdiction de grève, le Conseil État est intervenu dans un arrêt du 7 juillet 1950, affaire Dehaene. Il reconnaît que le droit de grève affirmé par le Préambule de 1946 est général et par conséquent applicable au SP. Il ajoute que le constituant de 1946 a entendu "inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue une modalité, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte." En l'absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public. Dans l'état actuel de la législation, il appartient au gouvernement de fixer lui-même la nature et l'étendue desdites limitations, sous le contrôle du juge.

Le principe a des effets sur les co-contractants, ceux qui sont chargés de participer au fonctionnement même du SP. Le principe va imposer aux co-contractants un certain nombre d'obligations. C'est le cas notamment des concessionnaires de SP, c'est-à-dire des personnes privées, qui passent un contrat pour exercer une concession de SP. Le principe doit être appliqué sinon ce sera la sanction. Le principe impose aux co-contractants de fournir ce à quoi ils se sont engagés. L'interruption de SP est la faute la plus grave qu'un concessionnaire puisse commettre, sauf cas de force majeure (théorie de l'imprévision).

Paragraphe 2 : Le principe de mutabilité ou d'adaptation

Ce principe résulte de l'idée selon laquelle le SP doit assurer la protection de l'intérêt général de la meilleure façon possible. Si le besoin de l'intérêt général se modifie, il faut que les prestations se modifient. Seulement, cette adaptation peut porter atteinte à des avantages acquis. Aussi, il faudra assurer une conciliation. Ce principe est important pour trois catégories de personnes...

Les agents du SP : ce sont les employés du SP ; ces agents ne sont pas dans une situation analogue à celle des salariés de droit privé ; ils ne sont pas liés par un contrat de travail ; ils se trouvent dans une situation légale et réglementaire, ce qui veut dire que la situation personnelle des agents n'est pas fixée une fois pour toutes au moment de leur engagement par la signature d'un contrat qui définirait une fois pour toutes leurs obligations ; ils voient leur statut visé par des actes unilatéraux établis par la puissance publique ; les règles ainsi posées (par une loi ou un règlement) peuvent être modifiées unilatéralement, c'est-à-dire sans avoir besoin d'obtenir l'accord des agents concernés ; si la puissance publique décide le changement, ce dernier sera appliqué immédiatement à tous les agents : le SP doit s'adapter.

Les co-contractants : ici, il y a un contrat passé entre le SP et d'autres personnes. Normalement, c'est ce contrat que l'on doit utiliser de part et d'autre. Ces contrats sont soumis à un régime particulier : ce sont des contrats administratifs, c'est-à-dire soumis à des règles différentes que celles du droit privé. On distingue dans ces contrats deux catégories de dispositions, de clauses :

- les clauses purement contractuelles : ce sont des dispositions qui ne peuvent être modifiées que d'un commun accord. Exemple, les clauses financières du contrat ;

- les clauses réglementaires, c'est-à-dire des dispositions qui peuvent être modifiées à tout instant, unilatéralement, par la puissance publique, par l'administration partie au contrat. Le co-contractant ne peut pas refuser cette adaptation. Il peut la contester devant le juge pour la modifier. Ces clauses concernent l'exécution même du SP ; exemple : les prestations que le co-contractant doit fournir pour l'intérêt général.

Les usagers du SP : même les usagers ne peuvent pas imposer au SP de leur fournir toujours les mêmes prestations. Là-aussi, l'adaptation nécessaire peut amener à modifier la nature des prestations que doivent fournir les usagers.

Paragraphe 3 : Le principe d'égalité

Ce principe veut que dans le cadre d'un SP, tous soient traités de la même manière. Aujourd'hui, ce principe est interprété de façon plus nuancée.

Cela concerne tout d'abord les agents publics : le principe concerne le problème de l'accès aux fonctions publiques : égal accès de tous aux fonctions publiques. Pratique générale du concours. Cette modalité est destinée à assurer l'égalité entre les candidats. Exception : il peut y avoir plusieurs concours avec la différenciation entre concours externes et internes. Ce principe trouve une consécration dans le fait qu'on retrouve chez les agents un statut : il lie l'agent du SP.

Cela concerne ensuite les co-contractants : le principe concerne l'accès au contrat, c'est-à-dire que l'on va s'efforcer d'assurer une égalité entre tous les candidats qui souhaitent signer ou passer un contrat avec une personne publique. C'est ce principe qui inspire les règles concernant les appels d'offre ; les personnes publiques sont tenues de recevoir les propositions de toutes les personnes et entreprises qui souhaitent passer le concours. Procédure d'adjudication publique.

Cela concerne enfin les usagers : le principe signifie que les usagers ont droit à obtenir du SP les mêmes prestations réalisées au même tarif. Ce principe est ancien (arrêt du Conseil État du 25 juin 1948). Consécration du Conseil constitutionnel dans une décision du 12 juillet 1979. Le principe est général, doté d'une valeur constitutionnelle. Seulement, ce principe est aujourd'hui appliqué de façon souple par la juridiction administrative : à l'heure actuelle, le juge considère que l'on peut concevoir et appliquer le principe d'égalité de deux façons :

- de façon abstraite et formelle : c'est-à-dire que tous les usagers d'un SP doivent être traités de la même manière, même s'ils se trouvent dans des situations différentes en fait et en droit. Mais le juge considère qu'on peut avoir une autre conception : on peut considérer que l'égalité doit être comprise de façon réelle et concrète ;

- de façon réelle et concrète : l'administration peut tenir compte, dans les prestations fournies ou dans les prix pratiqués, des différences de situation qui peuvent exister entre les diverses catégories d'usagers. On peut fournir des prestations différentes. "On peut traiter semblablement les choses semblables et différemment les choses différentes" : on applique l'égalité, à condition bien sûr de fixer au préalable des catégories d'usagers et de respecter pour chaque catégorie l'égalité. Limites dans l'arrêt du Conseil État du 10 mai 1974 : "La fixation de tarifs différents applicables pour un même service rendu à diverses catégories d'usagers implique soit qu'il existe entre les usagers des différences de situations appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure."

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23 novembre 2007

L'ETAT CENTRALISE : CENTRALISATION ET DECONCENTRATION

nasrdine98@hotmail.com
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L'ETAT CENTRALISE : CENTRALISATION ET DECONCENTRATION

   

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La forme de l'Etat a des incidences sur le droit administratif. L'Etat peut en effet être fédéral, unitaire, confédéral etc. La France constitue depuis toujours un Etat unitaire, c'est-à-dire qu'en France, sur le territoire national, il n'existe qu'une entité qui mérite le nom d'Etat ; parmi les personnes morales publiques françaises, il n'y en a qu'une qui dispose des prérogatives que l'on reconnaît à un Etat. L'Etat unitaire se caractérise par une triple unité : un seul Etat, un seul pouvoir souverain, un seul législateur. Dans la pratique, l'organisation d'un Etat unitaire peut revêtir des formes différentes : on peut soit adopter la centralisation, soit adopter la décentralisation (autres collectivités infra-étatiques qui disposeront de certaines compétences). Il s'agit pour nous de développer ici l'Etat centralisé.

I - LA DEFINITION DE L'ETAT CENTRALISE

Du point de vue strictement juridique, on peut définir l'Etat centralisé comme un Etat au sein duquel n'existe qu'une seule personne morale de droit public : l'Etat. Celui-ci a la charge de l'ensemble des attributions publiques : il n'y a pas d'autres collectivités publiques. D'un point de vue plus concret, la centralisation signifie que tous les fonctionnaires sont des agents de l'Etat, insérés dans une hiérarchie unique dominée par les organes centraux de l'Etat. Tout le pouvoir est concentré au sommet de l'Etat.

Ce système est également renforcé par le fait qu'entre ces agents s'exerce un type de pouvoir efficace et particulier : le pouvoir hiérarchique. Il s'exerce du supérieur hiérarchique vers le subordonné. Il comporte trois éléments : le pouvoir d'instruction (faculté dont dispose le supérieur de fixer à l'avance, pour le subordonné, la manière dont il devra agir), le pouvoir de réformation (consiste dans les faits, pour le supérieur, de modifier éventuellement les décisions prises par le subordonné), le pouvoir disciplinaire (pouvoir de noter les subordonnés et de les sanctionner en conséquence).

Sur un plan politique, les régimes centralisés ont peu de chances de fonctionner sur un territoire étendu. Tout en restant dans la centralisation, on peut persister dans l'idée qu'il faut maintenir une centralisation très forte (concentration) ou imaginer un système déconcentré.

II - L'ETAT CENTRALISE CONCENTRE

La centralisation politique vise une concentration géographique. C'est-à-dire que toutes les décisions sont prises par des agents de l'Etat, les ministres. L'Etat seul décide tout au nom de l'intérêt général. Il peut y avoir quelques représentants locaux (préfets, sous-préfets), mais ces agents sont subordonnés et dépourvus de tout pouvoir de décision : ils transmettent les décisions. Ce système a un avantage : il renforce l'unité de l'Etat.

Mais il présente de graves inconvénients : deux conditions principales sont nécessaires pour que la centralisation puisse se maintenir à l'état pur. D'une part, un nombre réduit d'affaires à traiter et d'autre part une zone géographique d'étendue limitée. En effet, si ces conditions ne sont pas remplies, les gouvernants de l'Etat ne pourront plus matériellement s'occuper de tout à l'intérieur de l'Etat. Pour la moindre décision, l'intervention de l'Etat est obligée. Les agents supérieurs risquent donc d'être surchargés. D'où une lenteur dans la pratique, un immobilisme, une paralysie. Ce système social aboutit à l'apoplexie au centre et à la paralysie aux extrémités. Aujourd'hui, la centralisation à l'état pur n'existe que dans quelques dictatures. Mais dans les pays européens comme la France, il existe toujours des services centraux correspondant par exemple aux ministères. Cependant, ces Etats unitaires ont adopté des mécanismes qui tempérent la centralisation très forte : la déconcentration.

III - L'ETAT CENTRALISE DECONCENTRE

La déconcentration apparaît lorsqu'il y a un découpage du territoire en circonscriptions administratives, et qu'à l'intérieur de ces circonscriptions qui correspondent à une division du travail (et non pas à une division du pouvoir comme dans la décentralisation), il existe des représentants de l'Etat qui se voient accorder des compétences et des pouvoirs au nom de l'Etat. Par exemple, les préfets et sous-préfets vont pouvoir décider pour leur circonscription. Il n'auront pas besoin d'attendre le feu vert des ministres. Ils peuvent décider au nom de l'Etat, ils disposent d'une compétence discrétionnaire d'appréciation. L'avantage est que nous sommes en présence d'une meilleure adaptation de la décision à la situation que l'on veut régler, car l'agent étatique peut avoir une connaissance plus concrète et plus précise que celle que peut avoir le ministre. Les agents reçoivent toujours des instructions de leur supérieur. Ils peuvent être sanctionnés (car placés sous l'autorité hiérarchique) mais ils disposent d'une marge de manoeuvre intéressante.

La déconcentration devient obligatoire dans un Etat où l'interventionnisme s'accroît. Il n'est plus possible de faire monter tous les dossiers, et les autorités déconcentrées se voient investies de compétences croissantes tout au long du XXème siècle. Les deux principales circonscriptions adminitratives en France sont le département et la région. La principale autorité déconcentrée sous laquelle sont placées les services déconcentrés, c'est le préfet. Cependant, quelques services étatiques échappent à l'autorité du préfet comme l'armée, les services de la Justice, les services des finances et les services de l'Education nationale placés sous l'autorité du recteur.

La centralisation et la déconcentration relèvent d'une différence de degré. On peut reprendre une célèbre phrase d'un parlementaire, Odilon Barrot, qui définissait la centralisation : "C'est le même marteau qui frappe, mais on a raccourci le manche."

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23 novembre 2007

Notion de droit public

notion service public

Notion de droit public : Le droit public contient l'ensemble des règles de droit relatives au statut des gouvernants, à leurs pouvoirs et à leurs rapports avec les gouvernés. Le droit privé contient l'ensemble des règles concernant les rapports juridiques entre les gouvernés. On distingue dans le droit public : - le droit constitutionnel : qui s'applique aux autorités de l'État. Il définit le statut des autorités politiques, leurs pouvoirs et leurs rapports entre elles. Les règles étant contenues dans un texte fondamental : la constitution qui a pour but de garantir les citoyens contre l'arbitraire des autorités politiques. Ce texte en effet s'impose aux autorités politiques qui ne peuvent déroger à ces dispositions. - le droit administratif : qui régit le statut, les pouvoirs, l'activité des autorités dites administratives. - le droit financier qui traite de l'aménagement des moyens par lesquels l'État se procure les ressources nécessaires pour couvrir ses dépenses (fonctionnaires, bâtiments, routes, services...) Les règles de droit sont des règles de conduite sociale établies et sanctionnées par l'autorité publique. Cela les distingue des règles de morale et des règles de politesse, d'usage et de convenance dont la sanction est constituée par la simple réprobation collective. Notion de constitution : Ce sont toutes les règles écrites concernant les institutions politiques de l'État. Ces règles juridiques vont déterminer l'organisation et le fonctionnement de ces institutions, ainsi que la rapport entre elles, et vont s'imposer aussi bien aux citoyens qu'à ce qui exerce l'autorité politique. Au sens formel c'est le texte fondamental. Les autres règles écrites doivent s'y conformer. La constitution de la Vèmerépublique a été adoptée le 4 octobre 1958. À l'origine, elle comprend après le préambule et l'article 1er, 94 articles regroupés en 16 titres. De nombreuses révisions ont eu lieu depuis ; la dernière loi constitutionnelle datant du 28 mars 2003. Notion de personne morale : C’est un sujet de droit n'est pas une personne physique par lequel l'administration va exercer ses activités. Une association est aussi une personne morale. L'État, le département, la commune, les établissements publics sont des personnes morales, soumises au droit public. Les différentes personnes morales ont leur propre domaine, et agissent en fonction d'un but pour lequel elles ont été créées. 1 -------------------------------------------------------------------------------- Page 2 UFR STAPS NANCY G. LECUIVRE Notion de service public : - d'une part, elle désigne une activité ou une mission d'intérêt général. - d'autre part, la notion de service public désigne l'ensemble des organismes qu'ils soient publics ou privés chargés de ces missions d'intérêt général. Les principes fondamentaux : - le principe de continuité : La satisfaction l'intérêt général étant le but, cette notion est permanente. - le principe d'adaptation : le service public doit évoluer en fonction de ces exigences et s'adapter aux changements. - le principe de l'égalité devant le service public : égalité par rapport aux avantages et aux obligations concernant les usagers. On considère traditionnellement que les services publics contribuent à une certaine cohésion sociale. Aujourd'hui, ils sont de plus en plus sous l'influence du droit communautaire, qui ignore la notion de service public « à la française », et soumis au droit de la concurrence, ce qui n'était pas la tradition en France. Notion de fonction publique : S’il existe bien un statut général de la fonction publique (1983) il faut distinguer trois types de fonctions publiques: - la fonction publique de l'État ; - la fonction publique territoriale, regroupant les fonctionnaires travaillant pour les collectivités locales (région, départements, communes). - la fonction publique hospitalière (agents travaillant dans les hôpitaux publics). Dans chacune des trois fonctions publiques, il existe différentes catégories de fonctionnaires : - les corps, pour les fonctions publiques de l'État et hospitalière ; - les cadres d'emplois pour la fonction publique territoriale. Ces corps ou cadres d'emplois sont répartis entre trois catégories A, B, ou C. 2 -------------------------------------------------------------------------------- Page 3 UFR STAPS NANCY G. LECUIVRE Notion de fonctionnaires : Dans le langage courant, ce mot désigne l'ensemble du personnel de l'administration. Mais au sens strict, les fonctionnaires ne représentent qu'une partie, l'administration employant des agents publics titulaires (fonctionnaires) et des agents non titulaires (auxiliaires et contractuelles). Il existe trois catégories de fonctionnaires, les fonctionnaires d'État, territoriaux et hospitaliers. Un fonctionnaire est une personne employée et nommée par une personne publique dans un emploi permanent, et titularisée à son poste dans un grade de la hiérarchie administrative. La titularisation est un élément important. Les lauréats d'un concours de la fonction publique effectuent souvent une période de stage afin de vérifier leurs aptitudes. Au terme de cette période, ils deviennent fonctionnaires par leur titularisation. Il s'agit d'un acte pris par une autorité de l'administration qui les emploie. Elle constitue une garantie obligeant l'administration à trouver au fonctionnaire un emploi correspondant à son grade, en cas de suppression de son poste. Les devoirs des fonctionnaires :Les fonctionnaires ont un certain nombre d'obligations à respecter, dont on peut rappeler les plus importantes : - L'obligation de se consacrer entièrement à ses fonctions : en principe, un fonctionnaire ne peut en aucun cas cumuler ses fonctions avec une autre activité, privée ou publique. Il existe néanmoins des exceptions, par exemple pour les activités d'enseignement ou d'écriture. - Le devoir d'obéissance aux instructions de son supérieur hiérarchique. Néanmoins, cette règle a été atténuée depuis le Seconde guerre mondiale. Le fonctionnaire doit au contraire refuser d'obéir à un ordre lorsqu'il est manifestement illégal et contraire à un intérêt public. - L'obligation de respecter le secret professionnel : le fonctionnaire ne doit pas divulguer des informations dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, sous peine de sanctions pénales. - Le devoir de moralité, y compris en dehors du service : un fonctionnaire ne doit pas choquer par son attitude (alcoolisme, scandale public...), ni porter atteinte à la dignité de la fonction publique. - Le devoir de probité : le fonctionnaire ne doit pas utiliser les moyens du service à des fins personnelles, ni avoir d'intérêts dans les personnes morales de droit privé (ex : entreprises) que ses fonctions l'amènent à contrôler. - L'obligation de neutralité : le fonctionnaire doit assurer ses fonctions à l'égard de tous les administrés dans les mêmes conditions, quelles que soient leurs opinions religieuses ou politiques, leur origine, leur sexe, et doit s'abstenir de manifester ses opinions. 3 -------------------------------------------------------------------------------- Page 4 UFR STAPS NANCY G. LECUIVRE Notion de centralisation : Elle se caractérise par l'unité de direction de l'administration en un centre unique de gestion dirigée par les autorités de l'État. Les divisions du pays ne sont que des circonscriptions territoriales sans personnalité et qui ne servent que de cadres aux divers services administratifs. Les agents de l'État, répartis sur l'ensemble du territoire n'ont qu'un rôle de préparation et d'exécution des décisions prises à Paris. L'administration centrale est constituée par l'ensemble des services du ministère qui setrouvent principalement à Paris. Ces services ont une mission d'impulsion des politiques du ministère. Ils sont chargés, en liaison avec le cabinet, de la mise en oeuvre des directives dugouvernement, de la préparation des projets de loi ou de décrets et des décisions ministérielles.Ces services sont composés de fonctionnaires et constituent des structures permanentes. Lepersonnel administratif ne change pas avec le ministre. L'administration centrale est organisée selon plusieurs niveaux : - Les directions (parfois directions générales) : chacune est chargée de s'occuper de l'un des secteurs du ministère. Elles sont dirigées par des directeurs nommés enConseil des ministres par le Président de la République, qui n'est pas obligé de suivre lespropositions du gouvernement. Notion de déconcentration : Elle consiste à transférer le pouvoir de décision des autorités centrales à des représentants locaux qu'elles nomment elles mêmes et qui n'ont aucune indépendance par rapport à elles. Les représentants locaux du pouvoir central ne sont pas de simples organes de transmission et d'exécution, mais détiennent un pouvoir de décision au plan local. Ces agents locaux restent subordonnés au pouvoir central ; le pouvoir hiérarchique est une des caractéristiques de la déconcentration. Les services déconcentrés de l'État sont les services qui assurent le relais, sur le plan local, des décisions prises par l'administration centrale et qui gèrent les services de l'État au niveau local. L'expression « service déconcentré » apparaît dans la loi du 6 février 1992 concernant l'administration territoriale de la République. La plupart des ministères ont des services déconcentrés répartis entre plusieurs niveaux géographiques. Ainsi, au ministère de la jeunesse et des sports et de la vie ne associative, il existe des directions régionales et des directions départementales de la jeunesse et des sports . Les services déconcentrés sont généralement sous l'autorité d'un préfet. Les directions départementales sont dirigées par le préfet de département. Les directions régionales sont sous la 4 -------------------------------------------------------------------------------- Page 5 UFR STAPS NANCY G. LECUIVRE direction du préfet de région, qui est le préfet du département dont le chef-lieu est aussi celui de la région. Notion de décentralisation : Processus consistant pour l'Etat à transférer au profit des collectivités territoriales certaines compétences et les ressources correspondantes. Avec les lois Defferre de 1982-1983, la première vague de décentralisation a permis : - la suppression de la tutelle administrative et financière exercée par le préfet ; - l'élection par le conseil général de l'exécutif départemental ; - d'ériger la région en collectivité territoriale pleine et entière, administrée par un conseil régional dont les membres sont élus au suffrage universel ; - le transfert de "blocs de compétences" et des ressources correspondantes au bénéfice des communes, départements et régions. La loi constitutionnelle consacre de manière irréversible le rôle des collectivités territoriales en inscrivant dans l'article premier de la Constitution le principe selon lequel "l'organisation de la République est décentralisée" et en décidant que les régions figureront désormais, aux côtés des communes et des départements et collectivités d'outre-mer, parmi les collectivités territoriales de la République énumérées dans la Constitution. 5

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